(Washington) Masque ou pas masque ? La levée par les autorités sanitaires américaines de la recommandation du port du masque pour les personnes complètement vaccinées contre la COVID-19 a pris par surprise les responsables locaux, experts et entreprises aux États-Unis, provoquant vendredi de vifs débats et une certaine confusion dans le pays.

Même au Congrès, des altercations ont éclaté, certains élus ayant subi des pressions pour retirer leur masque, malgré les appels la veille de Joe Biden à ce que soient « traités avec gentillesse et respect » ceux préférant le garder.

La directive, simple au premier abord, n’a ainsi pas manqué de soulever un enchevêtrement de questions, dans un pays qui fut longtemps l’épicentre de la pandémie et où le débat autour du masque était devenu, au moment de sa généralisation il y a plus d’un an, un enjeu politique.

Car les recommandations annoncées jeudi par la principale agence fédérale de santé publique du pays (CDC) ne sont pas contraignantes : en plus de ne pas s’appliquer dans les transports et les hôpitaux, les autorités précisent qu’elles ne valent pas si le masque reste « requis par les lois et règles fédérales, étatiques, locales » ou « les directives des magasins et entreprises ».

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La porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki et son équipe ne portaient pas de masque lors du point de presse quotidien, le 14 mai.

Une situation qui a laissé patrons et décideurs locaux démunis, forcés de trancher entre recommandations scientifiques et inquiétudes d’Américains encore ébranlés par les répercussions du virus.

« Avant, les masques étaient importants et d’un coup ils ne le sont plus », s’est étonné à New York Ivan Matta, 47 ans, employé dans une entreprise de tourisme. « Ma crainte c’est, comment vous allez vérifier que les gens sont complètement vaccinés ou pas ? Je crois qu’il y a beaucoup de gens qui ne vont plus utiliser le masque même s’ils ne sont pas vaccinés. »

Et en effet, peu de moyens de vérifier : aux États-Unis, un « passeport sanitaire » national a clairement été écarté.

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Des touristes sans masque ont visité New York à bord d’un autobus, le 14 mai.

Patchwork de règles

À New York mais aussi à Washington, les responsables ont sobrement indiqué qu’ils allaient « étudier » les nouvelles recommandations.

Symbole de cet embarras, la première dame Jill Biden, qui avait retiré son masque la veille lors de la visite d’un centre de vaccination (« On se sent tout nu ! », s’était-elle exclamé), portait de nouveau la fameuse protection dans un musée de la capitale jeudi.

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Jill Biden en visite au Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines, à Washington

Ailleurs, le patchwork continue : dans le Minnesota et en Pennsylvanie, les obligations en vigueur ont été immédiatement mises à jour. La Virginie et le Maryland ont de leur côté finalement annoncé qu’ils s’y conformeraient samedi. Dans le Connecticut, la nouvelle règle ne s’appliquera que la semaine prochaine.

Dans de nombreux endroits, la recommandation ne changera finalement pas grand-chose : au Texas, l’obligation du port du masque a par exemple été levée dès mars… y compris pour les non-vaccinés.

« Les recommandations des CDC entraînent de la confusion », s’est plaint le syndicat de la distribution UFCW. Les « travailleurs essentiels sont fréquemment exposés à des individus qui ne sont pas vaccinés et refusent de porter des masques. […] Sont-ils censés devenir les policiers de la vaccination ? »

Encourager la vaccination

Pour autant, la plupart des scientifiques, qui considéraient que les recommandations sanitaires étaient depuis longtemps trop frileuses, ont applaudi les nouvelles annonces.

Les vaccins sont efficaces contre les variants, permettent de réduire drastiquement la possibilité même d’être infecté (et pas seulement de développer des symptômes) et, dans les rares cas où la maladie se déclenche malgré tout, la charge virale est réduite, ont conclu des études.

Elles montrent donc que les personnes vaccinées (près de 36 % de la population aux États-Unis), ne se mettent ni elles, ni les autres, en danger lorsqu’elles ne portent pas de masque. Sans compter que les cas quotidiens ont fortement baissé au niveau national.

Par ailleurs, dans un pays où l’offre de vaccins surpasse désormais la demande, les autorités espèrent ainsi encourager les réticents à sauter le pas de la piqûre.

Certains experts ont toutefois émis des réserves, notamment pour les zones où les taux de transmission sont toujours élevés : l’épidémiologiste Caitlin Rivers aurait préféré voir cette annonce liée localement une condition de « moins de 5 cas quotidiens pour 100 000 personnes ».

« Donnez aux gens le temps de s’organiser », a également regretté Linsey Marr, spécialiste de la transmission aérienne des virus.