(New York) La déclaration en disait long sur la relation entre Kathy Hochul et l’homme auquel elle succédera, Andrew Cuomo. 

La procureure générale de l’État de New York, Letitia James, venait de rendre public un rapport accablant sur les allégations de harcèlement sexuel visant le gouverneur démocrate.

La lieutenante-gouverneure de New York aurait pu chercher à défendre le politicien dont elle est le numéro deux, qui était accusé d’attouchements non désirés et de commentaires déplacés par 11 employées actuelles et anciennes de l’État.

Elle a plutôt tourné le fer dans la plaie.

« Je crois ces femmes courageuses », a-t-elle déclaré, qualifiant le comportement d’Andrew Cuomo, décrit dans le rapport de 165 pages, de « répugnant et illégal ».

Si tout se déroule comme prévu, Kathy Hochul, née il y a 62 ans à Buffalo, deviendra la première femme à occuper le poste de gouverneur de l’État de New York. Elle remplacera un homme qui l’a largement ignorée depuis son entrée dans son gouvernement, en janvier 2015.

Mais elle peut aujourd’hui se réjouir de cette relation distante qui l’a reléguée à l’aspect cérémonial de sa fonction. Elle n’a été éclaboussée par aucun des scandales qui ont marqué les années d’Andrew Cuomo au pouvoir. Ce qu’elle n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler au lendemain de l’annonce de la démission du gouverneur.

« En ce qui concerne l’environnement particulier, la réputation de l’administration actuelle, je pense qu’il est assez clair – ce n’est pas un secret – que nous n’avons pas été proches et que je n’ai pas été associée à cela », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.

À la fin de mon mandat, personne ne décrira mon gouvernement comme un environnement toxique.

Kathy Hochul, lieutenante-gouverneure de l’État de New York

« Un calcul politique »

N’empêche : Kathy Hochul, fille d’un travailleur de l’acier, ne serait pas sur le point d’écrire une page d’histoire si Andrew Cuomo n’avait pas donné un second souffle à sa carrière politique en 2014.

« C’était un calcul politique, purement électoral », dit Antoine Yoshinaka, politologue à l’Université d’État de New York à Buffalo, en se reportant au moment où le gouverneur a demandé à Kathy Hochul d’être sa colistière.

PHOTO MIKE GROLL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, et la lieutenante-gouverneure, Kathy Hochul, en février 2015

Élu lieutenant-gouverneur en 2010, l’ex-maire de Rochester Robert Duffy avait annoncé son intention de se retirer à la fin de son mandat. Andrew Cuomo était donc à la recherche d’un remplaçant ou d’une remplaçante originaire de la même région, afin d’assurer au ticket démocrate un équilibre régional.

Kathy Hochul répondait à ses besoins.

« Elle connaissait bien la région de Buffalo et de Rochester », précise le professeur Yoshinaka.

Après avoir travaillé à Washington en tant qu’assistante du représentant de l’État de New York John LaFalce et du célèbre sénateur de l’État de New York Daniel Patrick Moynihan, Kathy Hochul a siégé pendant 14 ans au conseil municipal de Hamburg, près de Buffalo, et occupé le poste de secrétaire général du comté d’Erie.

C’est dans cette fonction que l’avocate de formation a retenu l’attention pour la première fois à l’extérieur de sa région. En 2007, elle a menacé de faire arrêter les immigrés clandestins qui voulaient obtenir un permis de conduire dans le comté, comme le permettait une nouvelle politique du gouverneur de l’époque, Eliot Spitzer.

Quatre ans plus tard, elle a de nouveau fait tourner les têtes en remportant une élection partielle pour un siège à la Chambre des représentants détenu par des républicains depuis des décennies. Elle devait le perdre lors de l’élection suivante.

En 2014, Andrew Cuomo lui a donné la chance de remonter dans l’arène politique en tant que candidate au poste de lieutenant-gouverneur de New York.

Un style différent

Selon la plupart des observateurs, les deux politiciens sont aussi éloignés l’un de l’autre sur le plan de la personnalité qu’ils le sont sur le plan géographique.

« Là où Kathy Hochul se démarque le plus d’Andrew Cuomo, c’est sur le plan du style », confirme Antoine Yoshinaka.

On le sait bien, Cuomo est un politicien très agressif, brusque et querelleur. Mme Hochul, elle, joue bien le jeu de coulisse. Elle prône le consensus, elle s’entend généralement bien avec ses collègues. Ça va être assez différent en matière de style.

Antoine Yoshinaka, politologue à l’Université d’État de New York à Buffalo

Ça devrait l’être beaucoup moins en matière de politiques. À défaut de faire partie du cercle intime d’Andrew Cuomo, Kathy Hochul a sillonné l’État et visité ses 62 comtés pour faire la promotion des politiques et des réalisations de son gouvernement tout au long de ses années à titre de lieutenante-gouverneure. Chemin faisant, elle a troqué certaines de ses positions centristes ou conservatrices contre des positions plus progressistes, notamment en matière d’immigration.

« Beaucoup de gens ont soutenu les politiques de l’administration Cuomo », a-t-elle déclaré mercredi lors de sa conférence de presse. « Il y a un fort héritage de réalisations. »

Elle n’a laissé aucun doute sur son intention de briguer le poste de gouverneur en 2022.

« Ce n’est pas le moment de parler de politique, mais je suis prête à me présenter à la prochaine élection et à entamer le processus dès que tout sera sous contrôle dans l’État », a-t-elle dit.

S’il tient parole, Andrew Cuomo cédera son poste à Kathy Hochul dans 12 jours.

« Kathy Hochul, ma lieutenante-gouverneure, est intelligente et compétente », a déclaré le gouverneur mardi après avoir annoncé sa démission. « Cette transition doit se faire sans heurts. Nous avons beaucoup de choses à faire. Je suis très inquiet au sujet du variant Delta, et vous devriez l’être aussi, mais elle peut se mettre rapidement au niveau. »