Douze soldats de la Garde nationale ayant des liens avec des milices suprémacistes blanches ou ayant diffusé des opinions extrémistes ont été retirés des forces de sécurité affectées à la protection de la prestation de serment de Joe Biden et de Kamala Harris, a confirmé mardi la Garde nationale, à moins de 24 heures de la cérémonie.

« Je ne suis pas inquiet : nous en avons identifié 12, et pour certains il s’agit seulement d’allégations, a dit aux médias le général Daniel Hokanson, chef de la Garde nationale. Nous agissons avec beaucoup de prudence. »

Des experts croient que la cérémonie prévue mercredi midi devant le Capitole, sous la surveillance de quelque 25 000 soldats de la Garde nationale, ne devrait pas avoir lieu.

« C’est très risqué de faire une cérémonie comme cela », explique en entrevue téléphonique Ruth Ben-Ghiat, spécialiste du fascisme, professeure d’histoire à l’Université de New York et auteure du nouveau livre Strongmen.

Quelques jours à peine après un assaut mortel contre le Capitole, la menace d’un attentat est telle que la cérémonie remaniée pour exclure la présence du public devrait plutôt être virtuelle, dit-elle, ajoutant comprendre que Joe Biden veuille projeter une image de retour à la normale après la présidence de Donald Trump.

On sait que les forces de l’ordre, les militaires et la Garde nationale ont été infiltrés par des extrémistes. La situation est très imprévisible, car vous ne savez jamais ce qu’ils vont faire.

Ruth Ben-Ghiat, professeure d’histoire à l’Université de New York

Pour John Fea, auteur et professeur d’histoire des États-Unis au Messiah College, en Pennsylvanie, les risques d’attentat sont réels, mais ne devraient pas empêcher la tenue d’une cérémonie dans ce lieu emblématique de la démocratie américaine.

« Je ressens de la peur, comme beaucoup de gens, mais je crois aussi que les citoyens ont besoin de voir Joe Biden debout devant le Capitole, à l’extérieur, explique-t-il. Cela envoie le message que l’ère Trump est terminée. Si on ne peut pas se fier au professionnalisme de la Garde nationale pour protéger ce moment, je crois qu’on a de graves problèmes. »

David Morin, cotitulaire de la chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent et professeur à l’Université de Sherbrooke, est du même avis.

« S’il avait fallu qu’on fasse la cérémonie sur Zoom, cela aurait donné trop de crédit [aux groupes extrémistes], dit-il. Cela aurait aussi donné une autre victoire à Donald Trump, qui a déjà réussi à perturber la transition du pouvoir. »

Début de l’ère Biden

L’investiture est une chose, mais à quoi va ressembler l’ère Biden sur le plan de la sécurité, alors que Donald Trump répète depuis des mois les accusations sans fondement voulant que l’élection ait été « volée » par les démocrates, en plus d’inciter ses partisans à « se battre » ?

Ruth Ben-Ghiat croit qu’après avoir quitté la Maison-Blanche, Donald Trump pourrait devenir un « agitateur » et consacrer son énergie à essayer de nuire à l’administration de Joe Biden dans l’espoir de plomber ses chances de réélection dans quatre ans.

« En créant du chaos, Trump pourrait susciter le besoin d’avoir un chef ‟fort”, capable d’instaurer l’ordre et la loi. C’est le pire des scénarios. Trump a qualifié des néonazis de ‟gens très bien”, et a dit aux émeutiers du Capitole qu’il les ‟aimait”, et qu’ils étaient ‟spéciaux”. Cela aura de profondes répercussions pour des années à venir. »

David Morin croit que deux défis marqueront les prochaines années : celui de la route que suivront les partisans républicains et la question des groupes extrémistes radicaux.

Comment le Parti républicain va-t-il gérer la question du sympathisant républicain moyen qui croit qu’on lui a volé ses élections ? Il n’est pas nécessairement dangereux, mais il est quand même enragé.

David Morin, cotitulaire de la chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme

« Le principal défi de Biden, c’est de réconcilier cette Amérique ultra-divisée, surtout que Trump ne va probablement pas disparaître », poursuit M. Morin.

La question des groupes extrémistes radicaux ultraconservateurs conspirationnistes, dont les attentats sont plus nombreux et font davantage de victimes depuis quelques années, est aussi importante, dit-il.

« Avec le départ de Donald Trump, je ne vois pas pourquoi ces groupes s’arrêteraient. Dans leur esprit, ils entrent en résistance. C’est ce qui m’inquiète. Malheureusement, je ne serais pas surpris qu’on ait une série d’attentats du style Timothy McVeigh contre des bâtiments publics fédéraux, des gouverneurs démocrates ou des républicains modérés, au cours des prochaines années. »

Une journée sous haute tension

La 59cérémonie d’investiture présidentielle aux États-Unis se déroulera sous le signe de la COVID-19 et d’une sécurité accrue. Explications.

Principales étapes : cérémonie

La cérémonie d’investiture du président et de la vice-présidente devrait commencer vers 11 h 30. Joe Biden et Kamala Harris vont alors prêter serment. Le nouveau président prononcera un discours, sur le thème annoncé de l’unité. Lady Gaga chantera l’hymne national, et Jennifer Lopez donnera un spectacle.

Revue des troupes

Le président, sa femme, la vice-présidente et son mari participeront ensuite à une inspection des troupes devant des membres de familles de militaires. En accédant à la présidence du pays, Joe Biden devient aussi commandant en chef des forces armées américaines.

Cimetière 

Le quatuor sera rejoint par les anciens présidents Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton, de même que leurs femmes, pour aller déposer des fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, au cimetière d’Arlington.

Maison-Blanche

Le nouveau président sera ensuite escorté de la 15Rue jusqu’à la Maison-Blanche par des représentants de chaque branche militaire américaine. Donald Trump a annoncé qu’il ne participerait pas à la cérémonie d’investiture, une première rupture avec la tradition depuis 1869. Il devait quitter la Maison-Blanche mercredi matin, pour la Floride.

20 h 30

Le soir, une célébration virtuelle diffusée à la télévision et animée par Tom Hanks remplacera le traditionnel bal. La présence de Jon Bon Jovi, Demi Lovato, Justin Timberlake, John Legend et Bruce Springsteen, notamment, a été confirmée.

Périmètre

L’assaut du Capitole a suscité l’inquiétude quant à la sécurité. Les services secrets ont établi une zone sécurisée. Le National Mall, l’esplanade au pied du Capitole longue de 2 km, sera inaccessible au public. Son accès est restreint depuis le 15 janvier. C’est normalement l’endroit où les citoyens se réunissent pour assister à la cérémonie. La circulation automobile est limitée. Depuis vendredi, 13 stations de métro sont fermées.

Pour suivre la cérémonie : Les différentes étapes de la cérémonie d’investiture seront retransmises en direct sur le site bideninaugural.org, ainsi que sur plusieurs chaînes télé et des plateformes de diffusion web.

En chiffres

25 000


Nombre de membres de la Garde nationale à Washington

1000


Le nombre estimé d’invités à la cérémonie

De 300 000 à 600 000


Nombre de spectateurs à l’investiture de Donald Trump, estimé par les médias.

200 000


Nombre de drapeaux placés au Mall pour représenter la foule absente en raison de la COVID.

Deux fois et demie


On estime qu’il y a deux fois et demie plus de membres de la Garde nationale à Washington que pour d’autres investitures présidentielles.

État d’alerte


La ville de Washington est en état d’alerte au moins jusqu’au 21 janvier.

46e


À 78 ans, Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis.

Police


Des départements de police un peu partout au pays ont envoyé des effectifs pour prêter main-forte aux policiers de Washington.

4,5 km


Distance, avec un accès restreint, entre la 2Rue et le pont Arlington Memorial

– Janie Gosselin, La Presse

Sources : AP, bideninaugural.org, NYT, Washington Post, AFP