(Washington) L’acquittement de Donald Trump dans son procès en destitution a encore renforcé les pouvoirs de la Maison-Blanche, faisant craindre aux États-Unis l’avènement d’un « président monarque ».

Après avoir souffert de l’omnipotence de la couronne britannique, les architectes de la Constitution américaine ont voulu donner au Congrès de leur jeune nation les moyens de contrôler et de contrebalancer l’action de l’exécutif.

Depuis les années 1970 et la démission de Richard Nixon, rattrapé par le scandale du Watergate, cet équilibre des pouvoirs a tendance à pencher de plus en du côté de la présidence, et le Sénat, en acquittant mercredi Donald Trump, a accéléré le mouvement.  

Le milliardaire républicain « est peut-être devenu le président le plus puissant de l’histoire des États-Unis », s’est interrogé l’historien Jon Meacham après l’énoncé du verdict.

« Le président Trump est dans les faits un monarque à ce stade. Si le roi l’a fait, il n’y a pas de problème », a-t-il développé.  

Ses mots font écho à l’un des arguments développé par la défense de l’hôte de la Maison-Blanche au cours de son procès : un président mérite-t-il d’être destitué s’il estime avoir agi – même en trichant pour remporter une élection – dans l’intérêt général de la nation ?

Président de 1933 à 1945, Franklin Roosevelt fut le premier à outrepasser ostensiblement le garde-fou du Congrès. Mais il était alors confronté à des circonstances particulières, entre Grande dépression et Seconde Guerre mondiale.  

Obama aussi

Les pouvoirs présidentiels n’ont fait depuis que « s’accroître régulièrement au fil du temps », relève le politologue Mark Rozell, de l’université George Mason.  

« Je pense que les présidents sont encouragés à user au maximum de leurs prérogatives pour accomplir autant de choses que possible en un ou deux mandats », explique-t-il. « Ce n’est pas propre aux républicains, mais aux présidents des deux partis ».

Le démocrate Barack Obama avait promis de ne pas abuser de son pouvoir exécutif comme avait pu le faire son prédécesseur républicain George W. Bush au nom de sa « guerre contre le terrorisme ». Il s’est pourtant lui-même permis quelques largesses, face à l’obstruction affichée du Sénat à majorité républicaine.

Le premier président noir des États-Unis a multiplié les décrets présidentiels pour faire passer plusieurs de ses mesures prioritaires, sur l’environnement, l’immigration ou les armes à feu.  

Donald Trump n’avait alors pas hésité à parler de « coup de force ». Installé depuis à la Maison-Blanche, il n’hésite pas non plus à faire bon usage de ses attributions présidentielles.

L’ancien homme d’affaires a notamment déclaré une urgence nationale pour que des fonds alloués au ministère de la Défense servent à la construction d’un mur anti-immigration à la frontière avec le Mexique.  

Il a plus récemment interdit aux collaborateurs de la Maison-Blanche de coopérer à l’enquête parlementaire en destitution, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être mis en accusation pour entrave à la bonne marche du Congrès en plus du chef d’abus de pouvoir.

De quoi inquiéter l’opposition démocrate, qui y voit un « danger » pour « l’équilibre des pouvoirs » sur le long terme.  

Pour Richard Pildes, professeur de droit à l’université de New York, le résultat de la présidentielle de novembre devrait constituer un bon indicateur.  

« L’impact qu’auront ces événements sur la prochaine élection façonnera sérieusement la façon dont les futurs présidents et les membres du Congrès abordent l’exercice de leurs pouvoirs », juge-t-il.