La tempête historique Harvey dans le sud des États-Unis a donné lieu jeudi à de nouvelles opérations de secours d'intensité dramatique, par air ou par bateau, dans des régions jusque-là coupées du monde par l'étendue des inondations.

Au sixième jour de la catastrophe, les milliers de sauveteurs professionnels ou bénévoles étaient confrontés à de nouveaux défis, comme l'évacuation dans l'urgence d'un hôpital ou des incendies de produits chimiques aux fumées potentiellement dangereuses.

Dans certaines zones la décrue révélait une ampleur pire qu'imaginée des dommages: maisons immergées jusqu'au toit, caravanes couchées sur le flanc et également noyées, navires de plaisance renversés, entrepôts démolis et aux stocks disséminés sur des kilomètres...

Et partout, toujours, ces réseaux routiers transformés en lacs, ces zones urbaines paralysées par les flots, ces paysages d'où n'émergent que des arbres paraissant isolés.

Dans le comté texan d'Orange, à la frontière de la Louisiane, Lonnie et Missy Givens ont refusé d'évacuer leur maison en pierres et de plain pied, malgré les avertissements.

«On pensait qu'on serait épargnés. On se trompait», a confié Lonnie. L'eau est montée dans la bâtisse, le courant électrique a disjoncté, forçant le couple à se réfugier dans son pick-up. «On n'a vraiment nulle part où aller», a-t-il ajouté.

Selon la Maison-Blanche, 100 000 foyers ont ainsi été touchés par la catastrophe.

Les accalmies dans les précipitations ont permis d'accélérer les hélitreuillages des victimes, souvent à bout de forces et transies par l'humidité, obligées de tout abandonner sauf parfois leur animal domestique.

Porte-à-porte... en canot

Au coeur des efforts des secouristes s'est trouvé un hôpital dans le sud-est du Texas, dans la ville de Beaumont dont le réseau de distribution d'eau a été mis hors service par la tempête.

Il a été le théâtre jeudi d'un ballet d'hélicoptères pour prendre en charge les plus fragiles des quelque 200 patients de l'établissement, les autres étant évacués par voie terrestre.

Dans toutes les zones inondées du Texas et de la Louisiane, pompiers et policiers procédaient en parallèle à un harassant porte-à-porte à la recherche de personnes oubliées.

Certains sinistrés ont dû attendre pendant des jours sans vivres, parfois longtemps juchés sur leur toit, avant de voir un canot venir les chercher.

Les secouristes craignaient de découvrir de nouveaux morts, au nombre d'une quarantaine selon les derniers bilans provisoires.

Au fléau des inondations s'est ajouté la peur d'une pollution chimique, après un incendie accidentel dans une usine texane qui libérait un panache de fumée irritante mais pour l'instant sans concentration toxique.

REUTERS

Un véhicule amphibie de la police de Houston patrouille un quartier frappé par les inondations.

Produits très inflammables 

Ces produits instables et très inflammables se consumaient dans un site industriel opéré par le groupe français Arkema, autour duquel a été mis en place d'un périmètre d'évacuation de trois kilomètres.

«Ce panache est extrêmement dangereux», a déclaré plus tard Brock Long, directeur de l'Agence fédérale des situations d'urgence (FEMA).

Le shérif du comté de Harris, Ed Gonzalez, s'est lui voulu rassurant, parlant d'une «série de réactions chimiques» plutôt que d'explosions massives.

Inondée et privée d'électricité donc de capacité de réfrigération de ses matériaux hautement inflammables, l'usine d'Arkema fabrique des peroxydes organiques, un composé entrant dans la fabrication de plastiques.

Le feu n'a pas généré «une concentration inquiétante de matériaux toxiques à l'heure actuelle», a affirmé l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA).

Avec son épouse Loyce, Lane Averett a dû abandonner sa maison située dans la zone à évacuer, pour s'installer dans un abri géré par une église de Crosby. Il a laissé ses animaux: un chien, trois chats et un petit veau.

«Ils ont besoin de boire et d'être nourris aujourd'hui», s'inquiétait-il. «Ils parlent (de nous garder ici) aussi longtemps que sept jours. Le veau sera mort d'ici-là, les bovins ne peuvent survivre après 72 heures sans eau».

Les secours ont augmenté jeudi leurs capacités de fourniture de denrées, pour dépasser plus de trois millions de repas quotidiens et répartir deux millions de bouteilles d'eau potable, a détaillé M. Long.

REUTERS

Un feu a été déclenché dans une usine d'Arkema.

Le vice-président en prière

Le vice-président Mike Pence s'est rendu à la rencontre de victimes des inondations, dans la bourgade côtière de Rockport, entrant directement en contact avec les habitants, ce que le président Donald Trump n'avait pas fait lors de sa visite mardi.

«Le peuple américain est avec vous. Nous sommes ici aujourd'hui. Nous serons ici demain. Et nous serons ici chaque jour jusqu'à ce que cette ville, cet État et cette région soient reconstruits encore davantage et mieux que jamais», a déclaré le vice-président.

Sa femme Karen a ensuite animé une prière, les résidents entonnant «Dieu bénit l'Amérique», puis M. Pence a enfilé des gants pour aider symboliquement des bénévoles à nettoyer des débris.

De son côté la Maison-Blanche a demandé jeudi au Congrès de débloquer des fonds d'urgence. Le président Trump a lui promis de faire un don personnel d'un million de dollars.

Au Texas, les dégâts matériels pourraient atteindre entre 30 et 100 milliards de dollars.

AP

Mike Pence, sa femme Karen et le gouverneur du Texas, Greg Abbott, ont mené une séance de prière, jeudi, à Rockport.

Élans de solidarité 

Beaucoup de Texans multipliaient les actes de solidarité envers leurs voisins. «Ici, si vous voyez quelqu'un, vous allez le voir et vous faites ce que vous pouvez pour aider», a raconté Cynthia Guillory, 51 ans, une conductrice de camion.

Des élans de solidarité similaires ont été observés à La Nouvelle Orléans, ville frappée par Katrina en 2005. La Louisiane a reçu jusqu'à 56 cm d'eau et les pluies s'étendaient jeudi aux États du Mississippi et de l'Alabama.

À Lake Charles, un refuge était occupé par 400 à 500 sinistrés, étendus sur des lits de camp. Certains collectaient de quoi se changer sur des piles de vêtements offerts par la population.

«Ils ont été amenés trempés jusqu'aux os durant la nuit», expliquait Angela Jouett, la responsable du centre.

AP

Deux voisins se serrent dans les bras dans la ville de Beaumont, au Texas.