Longtemps inaccessibles, les tombes du cimetière de Hart Island à New York, où sont enterrés près d'un million d'indigents, sans-abri ou enfants mort-nés, seront désormais accessibles aux familles à la faveur d'un «accord historique», ont annoncé les autorités pénitentiaires de New York.

Cet accord met fin à une plainte en nom collectif déposée en décembre dernier par l'association New York Civil Liberties Union (NYCLU) qui affirmait que l'impossibilité pour les familles d'aller se recueillir sur les tombes violait leurs droits constitutionnels.

En vertu de l'accord annoncé mercredi, l'administration pénitentiaire de New York, qui administre le cimetière, l'un des plus grands des États-Unis, autorisera les visites des familles «un week-end par mois», a précisé son responsable Joe Ponte. Celui-ci s'est dit «impatient de mettre en oeuvre cet accord historique, en collaboration avec la NYCLU».

Les familles, qui seront acheminées sur l'île en traversier, pourront laisser fleurs, peluches, prières ou petits drapeaux, ce qui était jusqu'à présent impossible.

Hart Island est une île inhabitée à l'extrême Est du Bronx. Elle appartient à la ville de New York depuis 1868. Les morts y sont enterrés par des prisonniers de Rikers Island: environ 150 cercueils d'adultes par fosse commune de 21 mètres de long, et, dans des fosses séparées, quelque 1000 enfants, dans de minuscules cercueils de pin.

La ville ne permettait jusqu'à présent aucun accès aux fosses communes, simplement signalées par une borne blanche. Sous la pression, elle avait cependant mis en place ces dernières années une visite par mois, en semaine, mais limitée à un chapiteau dominant le cimetière.

Plusieurs organisations s'étaient mobilisées pour tenter d'obtenir un accès plus important.

Parmi les plaignantes soutenues par la NYCLU, Rosaria Cortes Lusero, dont la petite fille morte à la naissance avait été enterrée par la ville à Hart Island en 1995. Avec sa fille Marie Garcia, elle avait tenté en vain, à de nombreuses reprises, de se rendre sur l'île.

«Pendant 20 ans ma mère et moi avons attendu pour nous rendre sur la tombe de ma petite soeur», a déclaré Marie Garcia. «Cela va être très difficile, mais finalement, être capable de se rendre sur sa tombe nous permettra de faire le deuil d'une soeur et d'une fille que nous n'avons jamais pu connaître».

«L'accord conclu aujourd'hui devrait aider les parents, enfants, frères, soeurs et autres membres des familles de générations qui ont souffert l'indignité d'enterrements de masse, et l'insulte supplémentaire d'une politique empêchant les familles et amis de se rendre sur place», a déclaré le principal avocat de la NYCLU dans le dossier, Christopher Dunn.

Au total, près de 1500 personnes sont encore enterrées chaque année à Hart Island, selon Melinda Hunt, directrice du Hart Island project, qui depuis des années documente le lieu.