Hillary Clinton l'a fait. Le prince Charles aussi. Et c'était au tour du premier ministre du Royaume-Uni David Cameron, la semaine dernière, de comparer Vladimir Poutine à Adolf Hitler. Loin d'être anodines, ces allusions servent des objectifs bien précis, expliquent les experts. Mais elles sont tellement explosives qu'elles pourraient bien se retourner contre ceux qui les lancent.

«Nous courons le risque de répéter les erreurs faites à Munich en 1938. Il est impossible de savoir ce qui va se passer.»

Ces mots prononcés il y a quelques jours par le premier ministre britannique n'ont pas fini de faire jaser. En 1938, à Munich, les grandes puissances européennes ont signé un accord permettant à l'Allemagne nazie d'annexer des parties de la Tchécoslovaquie. Le geste d'apaisement n'a jamais freiné Adolf Hitler qui, quelques mois plus tard, déclenchait la Seconde Guerre mondiale.

En comparant les visées de Vladimir Poutine en Ukraine à celles d'Adolf Hitler, David Cameron reprend une comparaison déjà faite avant lui par l'ex-secrétaire d'État américaine Hillary Clinton et le prince Charles.

«Les analogies historiques ont des fonctions assez précises. On s'en sert pour définir la situation: qui sont les bons et qui sont les méchants. Et quand on compare quelqu'un à Hitler, il est clair dans quel camp on le place», explique Karine Prémont, professeure de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke et membre de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

«J'ai l'impression que ceux qui ont fait ça voulaient susciter une prise de conscience. Mais le faire en lançant des noms - et ce nom en particulier - , c'est de la rhétorique de cour d'école. C'est extrêmement contreproductif», commente Paul Heinbecker, ancien diplomate canadien aujourd'hui membre émérite du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI).

Selon lui, ces comparaisons compliquent grandement le dialogue (parce qu'on ne dialogue pas avec Hitler!) et risquent de braquer Vladimir Poutine encore davantage.

Karine Prémont, de l'Université de Sherbrooke, souligne que comparer Poutine à Hitler sous-entend un autre message: il faut absolument intervenir pour l'arrêter. Et ici, ceux qui ont lancé la comparaison semblent avoir chacun leurs raisons d'envoyer ce signal.

Objectifs précis

Selon Paul Heinbecker, il est probable que le prince Charles se soit échappé et regrette son choix de mots. Mais ce n'est certainement pas le cas de Clinton et de Cameron. Il croit que la première, qui cache mal son intention de se présenter à l'élection présidentielle de 2016, tente de se distancier de la politique étrangère de Barack Obama, qui refuse d'intervenir militairement en Ukraine.

«David Cameron devra affronter l'électorat bientôt et il fait face à un référendum à l'issue incertaine en Écosse. Il veut se dépeindre comme un leader fort et déterminé», croit M. Heinbecker.

Vladimir Poutine a annexé la Crimée et semble avoir des visées sur l'est de l'Ukraine, et Hitler a aussi entamé sa conquête de l'Europe en annexant des territoires. Mais tant Karine Prémont que Paul Heinbecker jugent la comparaison entre les deux hommes complètement exagérée.

«Hitler, c'est six millions de juifs morts dans les camps de concentration, rappelle Mme Prémont. Dans les faits, il n'y a aucune comparaison possible.»

Ils ont dit:

«Si cela vous semble familier, c'est parce que c'est ce qu'a fait Hitler dans les années 1930.»

- Hillary Clinton, le 4 mars dernier, en commentant la décision de Vladimir Poutine d'accorder des passeports russes à certains citoyens ukrainiens

«Poutine est en train de faire à peu près la même chose qu'Hitler.»

- Le prince Charles, le 21 mai dernier

«Nous courons le risque de répéter les erreurs faites à Munich en 1938. Il est impossible de savoir ce qui va se passer.»

- David Cameron, le 6 septembre dernier