Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont échoué mercredi à s'emparer du chef de l'État sortant Laurent Gbagbo, retranché dans son bunker à Abidjan, tandis que diplomates et journalistes appelaient Washington à l'aide.

Abidjan s'enfoncait dans la terreur, et à Washington un responsable du département d'État a indiqué que des diplomates indiens, israéliens et japonais en Côte d'Ivoire ainsi qu'une vingtaine de journalistes ont sollicité l'aide des États-Unis pour quitter Abidjan.

«Ils nous demandent de l'aide et nous relayons leurs inquiétudes et leurs besoins à (la force française) Licorne et à l'Onuci», a déclaré William Fitzgerald, sous-secrétaire d'État adjoint chargé de l'Afrique.

Le diplomate a évoqué «l'ambassadeur ou le chargé d'affaires israélien», l'ambassadeur de l'Inde et celui du Japon.

La résidence de ce dernier a été attaquée mercredi par des «mercenaires», qui ont ensuite tiré roquettes et coups de canon depuis le bâtiment, a déclaré le diplomate à l'AFP, indiquant que quatre membres de son personnel local avaient «disparu».

«Il y a beaucoup de sang dans la maison, des cartouches partout. Je ne sais pas si les quatre sont vivants», a déclaré Okamura Yoshifumi. «Ils sont devant chez moi. J'ai peur qu'ils reviennent», a-t-il ajouté.

Sa demeure est située dans le quartier chic et verdoyant de Cocody, qui abrite la résidence présidentielle.

Les derniers fidèles de M. Gbagbo, lourdement armés, qui défendent le bâtiment où le président sortant est retranché dans son bunker, ont mis en échec l'assaut lancé dans la matinée par les combattants pro-Ouattara.

Pourtant, au lancement de l'attaque, l'optimisme était de rigueur: «on va sortir Laurent Gbagbo de son trou et le remettre à la disposition du président de la République», avait annoncé à l'AFP Sidiki Konaté, porte-parole de Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.

Mais à 12H00 (locales et GMT), les tirs à l'arme lourde ont cessé près du palais et de la résidence, plongeant ces quartiers dans un calme inhabituel. En fin d'après-midi, un habitant rapportait que les combattants pro-Ouattara avaient dû effectuer un repli devant la résidence.

«Les Forces républicaines (pro-Ouattara) sont arrivées jusqu'à 150 mètres du portail mais ne sont pas entrées», a-t-il dit, évoquant leur «retrait».

Cette attaque survient au lendemain d'une journée d'intenses mais infructueuses tractations, au cours desquelles M. Gbagbo a refusé de démissionner, malgré d'importantes pressions.

«Moi, je ne suis pas un kamikaze, j'aime la vie», a affirmé M. Gbagbo mardi à un journaliste français. «Ma voix n'est pas une voix de martyr, je ne cherche pas la mort mais si la mort arrive, elle arrive».

M. Ouattara a demandé à plusieurs reprises à ses troupes de garantir «l'intégrité physique» de son rival.

L'assaut lancé par les combattants pro-Ouattara «est une tentative d'assassinat du président Gbagbo», a jugé le porte-parole de son gouvernement, Ahoua Don Mello. Il a accusé la force française Licorne d'avoir fourni «un appui aérien et terrestre», ce qu'a démenti Paris.

Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a assuré que la France n'interviendrait pas en Côte d'Ivoire si M. Ouattara faisait appel à elle pour déloger définitivement Laurent Gbagbo.

Si la France refuse une aide militaire à M. Ouattara, son rival peut encore se prévaloir d'un soutien: l'Angola, qui possède une des armées les plus puissantes du continent, le considère toujours comme le «président élu», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Depuis le scrutin présidentiel du 28 novembre, qui a plongé le pays le plus riche de l'Afrique de l'Ouest francophone dans une quasi-guerre civile, Laurent Gbagbo n'a jamais reconnu la victoire d'Alassane Ouattara, au terme d'un processus électoral pourtant certifié par l'ONU.

Son régime s'est écroulé, les chefs de son armée ont appelé au cessez-le-feu, les frappes de l'ONU et de la France ont détruit une grande partie de son armemement lourd, de nombreux fidèles ont fait défection, mais il a obstinément refusé de signer sa démission.

Outre la résidence et le palais, les derniers partisans de M. Gbagbo contrôlent le camp militaire d'Agban, le plus important du pays, près duquel ont été entendues aussi des fortes détonations.

À Abidjan, les habitants traumatisés par les récents combats restent pour la plupart terrés chez eux. Dans certains quartiers, les rues quasiment désertes étaient abandonnées aux pillards, l'eau et l'électricité sont coupées par endroits, les provisions de nourriture s'amenuisent. Dans d'autres un début de retour à la normale s'esquisse.

Les affrontements à l'arme lourde dans Abidjan ont fait, selon l'ONU, des dizaines de morts et la situation humanitaire est devenue «absolument dramatique», la plupart des hôpitaux ne fonctionnant plus.