Les autorités haïtiennes ont lancé jeudi une vaste opération de relogement des milliers de sans-abri laissés par le séisme, affirmant reprendre progressivement «le contrôle de la situation», mais le travail à accomplir pour remettre le pays debout est vertigineux.

«Une vaste opération est en train de se dérouler. Nous sommes en train de reloger des sans-abri», a déclaré le ministre haïtien de l'Intérieur, Paul Antoine Bien-Aimé, ajoutant que des «villages» pouvant accueillir chacun 10 000 individus allaient être mis en place en dehors de la capitale.

«Nous sommes en train de reprendre le contrôle» de la situation, a déclaré à des journalistes le président haïtien, René Préval.

«Les pompes à essence ont recommencé à être approvisionnées et les banques rouvrent aujourd'hui», a ajouté M. Préval, selon qui «l'aide s'organise et va continuer à s'améliorer».

Mais, signe de la nervosité qui règne encore, le gouvernement a interrompu une réunion en fin de matinée pour gagner l'extérieur, après une réplique sismique de magnitude 4,8 (contre 7 pour le tremblement de terre initial). La secousse ne semblait pas avoir fait de dégâts.

Trouver un toit pour les sinistrés est une priorité: l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a estimé à au moins 500 000 le nombre de sans-abri rien que dans la capitale haïtienne, où ils occupent quelque 447 campements improvisés. Les autorités haïtiennes ont parlé d'un million de sans-abri dans l'ensemble du pays.

Neuf jours après le séisme, le bilan provisoire de la catastrophe s'établissait à 75 000 morts et 250 000 blessés.

Quatre aéroports, dont celui de Port-au-Prince, sont désormais en service en Haïti et en République dominicaine voisine afin d'acheminer l'aide, a annoncé un responsable militaire américain.

Les Etats-Unis ont envoyé une tour de contrôle pour faciliter la gestion des centaines de vols internationaux qui participent à l'aide humanitaire, a annoncé le ministère des Transports américain. Les aiguilleurs du ciel travaillent pour l'instant sur une table pliante avec des radios militaires.

Les forces américaines, qui, après l'arrivée, prévue dimanche, de 4 000 renforts, atteindront près de 20 000 hommes, travaillent à la réouverture du port de Port-au-Prince, cruciale pour désengorger l'aéroport de la capitale.

«Nous allons pouvoir recevoir du carburant ce week-end» grâce à la réouverture du port, a déclaré le général américain Mike Dana, responsable de la logistique des secours.

Pour sa part, la Banque mondiale a annoncé qu'elle suspendait pendant cinq ans le remboursement des sommes dues par Haïti.

En dépit des jours qui passent, les sauveteurs affirment rester mobilisés pour retrouver des survivants.

«Les secouristes ont travaillé autant le huitième jour que le premier», a déclaré jeudi la porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) à Genève, Elisabeth Byrs. Selon les dernières données de l'ONU, les secouristes sont parvenus depuis le 12 janvier à extraire 121 personnes des décombres.

Pour les survivants, les conditions d'hygiène restent abominables: des femmes se lavent près des immondices, des enfants font leurs besoins au milieu des rescapés, des survivants boivent de l'eau non potable.

Pour aider à la reconstruction, l'ONU va lancer à ses frais à un programme «argent contre travail». Ce dispositif doit permettre à des Haïtiens de percevoir cinq dollars par jour pour participer aux travaux de déblaiement, nettoyage et reconstruction.

La misère poussait les Haïtiens à se serrer les coudes dans certains quartiers. «On vit, on partage», expliquait Antoine Nadal, chauffeur de 52 ans. Dans Port-au-Prince, les hommes s'organisent en brigades pour se défendre des pillards.

Un semblant de vie normal pouvait également être observé ici et là dans la ville en ruine. Rue Charreron, on pouvait voir des vendeurs de glace, de riz, de bananes, des embouteillages, des femmes se lavant au-dessus de bassines, des enfants qui chantaient.

«Ca fait du bien d'être ensemble. On retrouve les amis qui ne sont pas morts, on se salue: "Tu es en vie! Et ta famille?"», racontait Emmanuel Herland, ébéniste de 29 ans. «On a envie d'en parler, ça permet d'évacuer le stress».