Le séisme et le tsunami, qui a noyé les circuits de refroidissement, ont provoqué des accidents inquiétants à la centrale nucléaire de Fukushima 1, située à 250 km au nord-est de Tokyo, d'abord aux réacteurs 1 et 3, puis dernièrement au réacteur 2. Quelles en sont les causes possibles ? Quels sont les scénarios envisageables et les conséquences ?

1.  Pourquoi procède-t-on à des relâchements volontaires de vapeurs radioactives ?

Réponse: Ces relâchements volontaires ont pour but d'éviter que l'enceinte abritant le coeur du réacteur ne se fendille sous la pression de la vapeur qui s'accumule. Tant qu'il n'y aura pas de rétablissement du refroidissement, d'autres relâchements de vapeur contaminée hors de l'enceinte seront nécessaires pour éviter qu'elle n'éclate, ce qui serait un accident majeur. Ces relâchements sont effectués à l'aide de vannes actionnées manuellement - faute d'alimentation électrique- par des employés dont le «courage» et «l'héroïsme», compte tenu des risques, sont soulignés.

2. Pourquoi certains relâchements ont-ils provoqué des explosions ?

Réponse : Faute de refroidissement, le combustible se dégrade au coeur du réacteur, libérant des produits de fission (crypton, iode radioactive, césium) tandis que l'eau se décompose en oxygène et en hydrogène. Au moment du relâchement de ces gaz, un phénomène explosif d'origine chimique peut se produire en fonction de la composition du mélange oxygène-hydrogène.

3. Les rejets accompagnés d'explosion entraînent-ils davantage d'émissions radioactives ?

Réponse : Le niveau de radioactivité n'est pas plus important que l'hydrogène explose ou non. Dans toutes ces explosions, l'essentiel est que toute l'enceinte métallique de confinement soit restée intègre. Au moment des explosions, ce qui vole en éclats ce sont des «éléments soufflables» inclus dans l'architecture du bâtiment pour éviter que l'enceinte du réacteur, elle-même, ne subisse des dégâts en cas d'explosion.

4. L'évacuation de la population jusqu'à une distance de 20 km des réacteurs est-elle adéquate ?

Réponse : Avec les «bouffées» de gaz et de particules radioactives relâchées depuis samedi, les doses se cumulent et la limite de 20 km «paraît raisonnable», disent des experts français qui relèvent que le nuage se dilue à distance. En l'absence d'évacuation, la population aurait reçu des «doses significatives». Aux limites du site, à environ 2 km des réacteurs 1 et 3, une balise a donné samedi, pendant un rejet volontaire, une indication de rayonnement gamma correspondant à 10 000 fois la radioactivité gamma ambiante. Les rayons gamma, plus énergétiques que les rayons X, renseignent sur la radioactivité globale mais pas sur la composition du panache de particules (iode, césium) dont dépendent l'effet de dose sur l'homme et les conséquences sur l'environnement.

5. Comment est protégé le réacteur d'une centrale nucléaire ?

Réponse : La matière radioactive est séparée de l'environnement par trois barrières : le «crayon» qui enveloppe l'uranium (sous forme de pastilles); la cuve et enfin l'enceinte de confinement. Au Japon, elle est constituée d'un «liner», ou «peau métallique», ancré dans des parois en béton et fermé d'un couvercle. Ce liner est muni de capteurs.

6. Le risque de tsunami était-il prévu au Japon ?

Réponse : Le risque d'une vague de 10 mètres de haut avait été prévu dans la conception du circuit de refroidissement. Mais elle a atteint 14 mètres de haut et les installations ont été inondées. Les circuits de secours (diesel) ont également été endommagés.

7. Qu'est-ce qu'une fusion au sein d'un réacteur ?

R : La fusion correspond à la surchauffe du combustible qui commence à fondre et à couler, comme une bougie. Il devient alors difficile à refroidir et les gaines qui retiennent les produits radioactifs se désagrègent à leur tour. Une fusion se traduirait par la présence d'un magma appelé corium risquant de percer la cuve en la chauffant et de se retrouver directement dans l'enceinte de confinement. Ce qui provoquerait des rejets massifs d'éléments radioactifs dans l'environnement.

8. Y a-t-il eu fusion au sein des réacteurs japonais ?

R : Très probablement dans le réacteur no 1, ressort-il des informations disponibles. Tokyo Electric Power (Tepco), l'exploitant de la centrale, n'exclut pas que le combustible du réacteur 2 soit un temps entré en fusion, à cause d'une panne du système de refroidissement.

9. Cette situation est-elle comparable à celle de Tchernobyl en 1986 ?

Réponse : Non, car la centrale de Tchernobyl ne disposait pas d'une enceinte de confinement, mais d'une simple chape de béton. En outre, à Tchernobyl, il s'agissait d'un emballement de la réaction nucléaire, avec un réacteur en surchauffe, alors qu'au Japon les réacteurs ont été arrêtés 24 heures avant l'explosion.

(Sources contactées par l'AFP : Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), Didier Champion, de la direction environnement, Martial Jorel, de la direction sûreté des réacteurs de l'IRSN, et Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de Sûreté du nucléaire (ASN).