Au lendemain de tirs meurtriers près d'une école de l'ONU à Gaza, plusieurs pays dont la France et les États-Unis ont haussé le ton vis-à-vis d'Israël en dénonçant des violences «injustifiables» contre les civils de l'enclave palestinienne.

À l'instar du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui a parlé d'un «acte criminel», la communauté internationale a largement exprimé son indignation après le bombardement près d'une école à Rafah, qui a fait au moins dix morts.

Les États-Unis se sont dits «consternés». Le département d'État a noté que les coordonnées de l'école avaient été «communiquées de manière répétée aux forces armées israéliennes».

Tsahal a reconnu avoir tiré près de l'école, mais Washington estime que «soupçonner que des militants (du Hamas, ndlr) opèrent à proximité ne justifie pas des raids qui mettent en danger la vie d'autant de civils innocents». Et le département d'État a appelé l'État hébreu à «faire plus» pour éviter les victimes civiles.

La France, qui jusqu'ici avait condamné l'escalade des violences, en rejetant la responsabilité sur les deux parties adverses, a clairement mis lundi Israël en cause et  préconisé un règlement politique qui devra être «imposé».

«Le droit d'Israël à la sécurité est total mais ce droit ne justifie pas qu'on tue des enfants et qu'on massacre des civils», a affirmé le chef de la diplomatie Laurent Fabius. «Combien de morts faudra-t-il encore pour que s'arrête ce qu'il faut bien appeler le carnage de Gaza ?», s'est-il indigné.

«Le Hamas porte évidemment une responsabilité écrasante dans cet engrenage macabre qui sert surtout les extrémismes, mais celle-ci non plus ne justifie pas ce que le secrétaire général des Nations unies a qualifié de crimes», a ajouté M. Fabius, dans une allusion à la condamnation par Ban Ki-moon des tirs près de l'école de l'ONU.

«Nous devons agir»

Pour Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur français et spécialiste du Proche-orient, ces déclarations du chef de la diplomatie marquent un tournant. «Jusqu'ici on a condamné les tirs sur les écoles de l'ONU mais pas Israël. On restait toujours dans l'ambiguïté alors que l'on sait que c'est Israël le responsable», observe-t-il.

«Il faut avoir le courage de désigner les responsabilités, bien entendu celle du Hamas mais aussi bien entendu celle d'Israël. Il est important tout simplement de dire le droit, contenu dans la 4e Convention de Genève» sur la protection des civils en temps de guerre, souligne l'expert.

L'Unesco, par la voix de sa directrice Irina Bokova, a appelé lundi les belligérants à laisser les écoles en dehors du conflit, après avoir observé que sept d'entre elles dépendant de l'ONU avaient été touchées par des tirs en près d'un mois de violences qui ont fait quelque 1850 morts chez les Palestiniens dont une majorité de civils, selon les secours locaux.

À Londres, le porte-parole du gouvernement a indiqué lundi que la Grande-Bretagne réexaminait toutes les licences d'exportation conclues avec Israël, notamment celles sur les armes et les autres équipements militaires, afin de s'assurer qu'elles sont «appropriées» au vu de la situation à Gaza.

L'Espagne, qui a «fermement» condamné lundi «l'attaque gravissime» contre l'école de l'ONU, a de son côté écrit à ses partenaires européens pour dire que l'Union européenne «peut et doit faire un effort plus grand» afin s'obtenir un accord de cessez-le-feu «durable» entre Palestiniens et Israéliens.

«Vingt-six jours de conflit, nous devons agir», a également plaidé le président français François Hollande, en marge d'un déplacement en Belgique.

Human Rights Watch évoque un possible crime de guerre

Human Rights Watch a accusé lundi l'armée israélienne d'avoir tué des civils alors qu'ils fuyaient les bombardements dans un secteur du sud de la bande de Gaza, ce qui constituerait un crime de guerre selon l'ONG basée à New York.

Dans son rapport, HRW cite des Palestiniens ayant réussi à fuir fin juillet des bombardements sur la localité de Khouzaa, près de la ville de Khan Younès.

«Les forces israéliennes à Khouzaa, secteur du sud de la bande de Gaza, ont ouvert le feu sur des civils et les ont tués, dans ce qui constitue une claire violation des lois de la guerre, lors de plusieurs incidents entre le 23 et le 25 juillet», affirme l'ONG.

Les «attaques délibérées sur les civils ne participant pas aux combats sont des crimes de guerre», ajoute HRW.

Les civils ont fait face à de «graves dangers» à Khouzaa, où ils ont notamment subi des bombardements répétés, n'ont pas eu accès aux soins médicaux, et ont été la cible d'attaques de l'armée israélienne alors qu'ils tentaient de fuir vers Khan Younès, poursuit le rapport.

Il souligne que si l'armée israélienne avait prévenu les habitants, les appelant à quitter Khouzaa avant le 21 juillet, «le fait que des civils n'aient pas obtempéré ne fait pas d'eux des cibles légitimes d'attaques».

Le fait d'avoir «prévenu les familles (...) ne fait pas d'elles des cibles justes seulement parce qu'elles n'ont pas pu le faire», souligne Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. «Prendre (les civils) délibérément pour cible est un crime de guerre».