La mort d'Oussama ben Laden place le Pakistan sur la sellette. Son président Asif Ali Zardari assure que son pays n'a pas caché le chef d'Al-Qaïda, retrouvé à une centaine de kilomètres seulement d'Islamabad, sans toutefois faire taire les questions sur ce que savaient les autorités pakistanaises.

L'homme le plus recherché au monde a été tué dans la nuit de dimanche à lundi par les forces spéciales américaines dans une résidence fortifiée à la périphérie d'Abbottabad, dans le nord-ouest du Pakistan, une ville de garnison à 100 kilomètres de la capitale. Bien loin des régions tribales proches de la frontière afghane où beaucoup pensaient qu'il se cachait, le chef d'Al-Qaïda vivait à moins d'un kilomètre de la fameuse académie militaire de Kakul, et non loin de plusieurs régiments.

«Comment Oussama ben Laden a pu rester dans ce complexe pendant six ans et quelques sans être repéré?», résumait mardi le responsable antiterroriste de la Maison-Blanche, John Brennan. «Nous avons beaucoup, beaucoup de questions là-dessus, a-t-il reconnu. Et je sais que les autorités pakistanaises en ont aussi».

John Brennan a répété que «manifestement il y avait une sorte de réseau de soutien» à ben Laden à l'intérieur du Pakistan. Mais il s'est gardé de viser directement le gouvernement pakistanais, rappelant qu'Islamabad est «un partenaire important de la lutte antiterroriste».

John Brennan a expliqué que le gouvernement pakistanais menait sa propre enquête pour déterminer «s'il existait des individus au sein du gouvernement pakistanais ou des services de renseignement militaire qui étaient au courant». Il s'est aussi demandé comment le complexe où a été retrouvé ben Laden avait pu ne pas attirer l'attention des autorités locales.

Dès lundi, le président la commission du Sénat américain sur les Services armés, Carl Levin, avait prévenu que l'armée et le renseignement pakistanais auraient «beaucoup d'explications à fournir». Ben Laden vivait entouré d'autres immeubles dans une très grande résidence, dont les habitants prenaient l'initiative inhabituelle de brûler leur déchets et d'éviter le ramassage des poubelles. «C'est difficile d'imaginer que l'armée ou la police n'aient pas eu la moindre idée de ce qui se passait à l'intérieur».

La sénatrice démocrate Dianne Feinstein, présidente de la Commission du renseignement, a averti mardi que le Congrès pourrait envisager de réduire l'aide annuelle américaine de près d'1,3 milliard de dollars américains s'il s'avérait qu'Islamabad savait où se cachait ben Laden.

Le premier ministre britannique David Cameron a estimé également mardi que ben Laden avait dû bénéficier d'un réseau de soutien «étendu» au Pakistan les années précédant sa mort. Toutefois, il a dit avoir appelé depuis dimanche le président Asif Ali Zardari et le premier ministre Yousuf Raza Gilani qui lui ont donné «l'assurance» qu'ils ignoraient que ben Laden vivait à Abbottabad.

Depuis longtemps, l'agence de renseignement pakistanaise, l'ISI, une agence militaire échappant largement au contrôle civil, est soupçonnée d'apporter secrètement son aide aux talibans afghans et à d'autres activistes islamistes.

«Certains dans la presse américaine ont sous-entendu que le Pakistan avait manqué d'entrain dans sa lutte contre le terrorisme, ou pire encore que nous n'étions pas sincères et que nous avons en réalité protégé les terroristes que nous affirmions pourchasser, s'est insurgé le président pakistanais Asif Ali Zardari dans une tribune publiée lundi dans le Washington Post. De telles spéculations sans fondement (...) ne reflètent pas la réalité».

Le gouvernement pakistanais a ensuite exprimé mardi dans un communiqué sa «profonde préoccupation» après le raid américain mené «sans autorisation» d'Islamabad contre Oussama ben Laden. Il a souhaité que cela ne constitue pas un précédent pour de futures opérations américaines sur le territoire pakistanais.

Washington a dit ne pas avoir informé à l'avance Islamabad de l'opération commando menée dimanche pour raisons des raisons de sécurité. Les liens entre le Pakistan et les États-Unis, officiellement alliés dans la guerre contre le terrorisme, sont déjà tendus depuis quelques temps, les Américains accusant les Pakistanais de soutenir les talibans en Afghanistan, alors qu'Islamabad reproche à Washington les attaques de drones et les activités d'espionnage sur son sol.