La situation restait très tendue jeudi en Côte d'Ivoire, l'ONU accusant des partisans de Laurent Gbagbo d'avoir incendié deux de ses véhicules et d'en avoir endommagé trois autres à Abidjan, où des quartiers sont sous couvre-feu nocturne après des violences meurtrières en début de semaine.

Jeudi, «les forces civiles et militaires du camp du président Gbagbo ont commencé à attaquer des véhicules de l'ONUCI à Abidjan. Ainsi, deux véhicules de l'ONUCI ont été brûlés et trois autres ont été endommagés, dont une ambulance», a affirmé l'ONUCI dans un communiqué.

Le ministère de l'Intérieur du gouvernement Gbagbo a récusé ce bilan. «Nous avons dénombré un seul véhicule incendié par des habitants», a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère, Abdoulaye Traoré.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a condamné de son côté «un total de six incidents» jeudi, soulignant qu'il s'agissait de «crimes selon la loi internationale».

Les États-Unis se sont dits «de plus en plus préoccupés par l'incitation à la violence du régime Gbagbo contre» les soldats de l'ONU.

Dans la nuit de mardi à mercredi, trois Casques bleus avaient été «légèrement blessés» dans une «embuscade» tendue par les forces pro-Gbagbo au quartier d'Abobo, dans le nord d'Abidjan, avait accusé l'ONUCI.

Paris a condamné cet acte ainsi que «les appels à la haine contre l'ONUCI relayés par certains médias ivoiriens, en particulier la «radio-télévision» RTI.

Le président sortant Laurent Gbagbo, appelé par l'ONU à céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara qu'elle reconnaît comme vainqueur de l'élection de novembre, a exigé le départ de l'ONUCI.

Selon des habitants, la nuit avait été calme dans les quartiers d'Abobo, fief de M. Ouattara, et Anyama, dans le nord d'Abidjan, où un couvre-feu nocturne a été instauré par M. Gbagbo de mercredi jusqu'à samedi matin après des affrontements sanglants en début de semaine.

Des vendeuses de poissons et de légumes avaient réinstallé leurs étals là où la veille étaient postées des forces de l'ordre en armes.

La nuit «s'est relativement bien passée. On a dormi, on n'a pas entendu de crépitement de balles comme dans la nuit de mardi à mercredi», a déclaré sous couvert d'anonymat un réparateur de téléphone mobile.

«On n'est pas tellement serein, on est dans une période très sensible», a toutefois confié ce jeune homme.

Les heurts entre des éléments armés non-identifiés et des membres des Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles au chef d'État sortant, ont fait au moins 11 morts, dont huit membres des forces de l'ordre.

Le chef d'état-major des FDS a accusé le camp Ouattara d'être à l'origine des violences «assimilées à des actes de guerre» et averti que ses forces étaient prêtes à riposter.

«Nous réfutons ces accusations. Ce sont bien les forces de l'ordre qui ont encore une fois cherché à provoquer la population paisible», a répliqué le porte-parole du gouvernement Ouattara, Patrick Achi.

À Genève, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a quant à lui fait état de nouvelles allégations concernant l'existence d'un charnier dans le pays, après deux autres cas rapportés fin décembre, mais aucune de ces informations n'a pu être vérifiée par l'ONU sur place.

Le regain de tension démontre la persistance de la crise dans laquelle la Côte d'Ivoire est plongée depuis l'élection, une crise marquée selon l'ONU depuis mi-décembre par 247 morts, dont des victimes de violences interethniques sans lien direct avec l'affrontement politique.

Pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise, le premier ministre kényan Raila Odinga, envoyé par l'Union africaine (UA), est attendu ce week-end à Abidjan pour une nouvelle médiation africaine,

M. Gbagbo est sous la menace d'une opération militaire, en préparation au niveau de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), s'il ne cède pas le pouvoir à M. Ouattara. La CÉDÉAO a envoyé une délégation dans les pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.