La justice française soupçonne le président Nicolas Sarkozy d'avoir fait financer illégalement sa campagne électorale de 2007 par la riche héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt.

Le juge d'instruction bordelais Jean-Michel Gentil cible désormais «ouvertement» le chef d'État et semble déterminé à enquêter à son sujet malgré son immunité judiciaire, relève Le Monde, qui cite divers documents judiciaires.

L'analyse du quotidien recoupe celle du Journal du dimanche (JDD), qui a évoqué dans son dernier numéro de nouveaux éléments obtenus grâce à une commission rogatoire internationale pour alimenter la thèse d'un financement politique illégal.

Selon cet hebdomadaire, le juge Gentil a mis au jour un système de virement de fonds qui a permis au gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, de récupérer, à partir de comptes suisses, plus de 4 millions d'euros (5,32 millions de dollars) en espèces en trois ans.

Deux remises en espèces de 400 000 (532 000$) intéressent particulièrement le magistrat. La première serait survenue en février 2007, deux jours avant une rencontre entre M. de Maistre et l'ex-ministre Éric Woerth, qui était alors le trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy.

La seconde aurait eu lieu le 26 avril 2007, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Selon le JDD, François-Marie Bernier, photographe proche de Liliane Bettencourt, a noté dans un carnet personnel que la riche Française avait déclaré le même jour: «De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui.»

Dans un procès-verbal d'interrogatoire obtenu par Le Monde, le photographe se montre évasif à ce sujet. Il dit qu'il n'est «pas sûr» que le nom du chef d'État ait bel et bien été mentionné à cette occasion.

Le juge Gentil a par ailleurs obtenu le témoignage d'un ancien employé de la famille Bettencourt qui croit savoir que Nicolas Sarkozy était «venu chercher de l'argent» à leur résidence au printemps 2007.

Selon le JDD, les soupçons du magistrat au sujet du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy expliquent pourquoi il a demandé et obtenu, jeudi dernier, le placement en détention provisoire de Patrice de Maistre.

Éric Woerth a déjà été mis en examen en février pour «financement illégal de parti politique» sur la base d'allégations avancées par une ex-comptable de la famille Bettencourt, qui a aussi évoqué des versements en espèces par M. de Maistre.

Les avocats de l'ex-gestionnaire, qui nie toute malversation, ont vivement dénoncé sa détention provisoire, décrite comme «un moyen de pression» destiné à le faire parler. Ils entendent réclamer sa mise en liberté aujourd'hui.

Les éléments obtenus par le magistrat n'ont pas échappé aux partis de l'opposition, qui pressent le président de «s'expliquer» rapidement. La candidate écologiste Éva Joly a notamment suggéré à Sarkozy de renoncer à son immunité judiciaire pour répondre à la justice.

L'Élysée a rejeté les allégations de financement illégal par le passé en faisant valoir que les comptes de campagne de 2007 ont été validés par le Conseil constitutionnel. Le président a refusé mardi de commenter le dossier.