La vague de violence qui a suivi la divulgation des résultats du premier tour du scrutin en Haïti a plongé la diaspora montréalaise dans un état de lassitude et de désolation.

Au marché créole Méli-Mélo, hier après-midi, clients et employés parlaient politique entre deux emplettes. Les opinions sur le meilleur candidat pour diriger Haïti divergeaient, mais tous arrivaient au même constat: le pays n'était pas prêt à tenir des élections.

«Les gens dorment encore dans la rue, les camps sont pleins à craquer et l'épidémie de choléra fait rage: à mon avis, le pays est encore trop vulnérable pour des élections», a soupiré Lionel alors qu'il patientait devait la caisse enregistreuse.

Les résultats du premier tour de l'élection présidentielle en Haïti ont été accueillis avec incrédulité, hier. Le candidat Jude Célestin, dauphin du président René Préval, est parvenu à se hisser au deuxième rang, avec seulement 6000 voix de plus que le chanteur Michel Martelly. Or, les résultats préliminaires homologués par des observateurs étrangers laissaient plutôt présager que Célestin se classerait loin derrière Martelly.

Des voix locales et internationales (voir autres textes) se sont montrées sceptiques. Une part de la population haïtienne elle, enrage. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues, où des émeutes, des incendies et des fusillades ont éclaté.

«Je ne suis pas fière du tout de ce qui se passe, a dit une employée du marché Méli-Mélo. C'est toujours le même petit groupe qui récidive. C'est déprimant au point où j'essaye de me tenir loin de la télévision lorsque c'est l'heure des nouvelles.»

«Je ne suis pas d'accord avec la violence, mais je les comprends de vouloir manifester leur mécontentement», a rétorqué un client, Jean Asnel. «Michel Martelly n'aurait pas dû être éliminé. Les gens veulent du changement, ils ne veulent pas que Préval continue de gouverner à travers Célestin.»

Entre deux rayons, Jean Ulrick Pavilus explique que le pays a besoin d'une refonte majeure au plan législatif et que, tant que le système actuel sera maintenu, le seul fait de tenir des élections ne pourra pas régler les problèmes de gouvernance du pays.

«La structure politique mise en place sous le régime dictatorial de Duvalier fait en sorte que les pouvoirs législatif et judiciaire sont assujettis au pouvoir exécutif et au président. Si cette structure n'est pas revue, le peuple haïtien ne pourra jamais réaliser son rêve de vivre dans une société juste et démocratique.»