La guerre en Libye va contraindre les pays membres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) à puiser dans leurs réserves stratégiques de pétrole, une décision exceptionnelle visant à contrer les menaces de «pénurie» à l'entrée de l'été dans l'hémisphère nord.

«Pour la troisième fois de l'histoire de l'AIE, ses membres ont décidé de puiser dans leurs réserves» en mettant sur le marché «60 millions de barils de pétrole sur une période d'un mois,», a déclaré son directeur général Nobuo Tanaka au siège de l'organisation à Paris.

Ceci «afin de répondre aux perturbations affectant l'approvisionnement en pétrole en provenance de Libye», qui ont privé le marché à fin mai de 132 millions de barils de pétrole brut, a-t-il ajouté.

L'agence, créée après le premier choc pétrolier, n'a touché à ses stocks stratégiques qu'à deux reprises, après l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990 et après l'ouragan Katrina qui avait frappé les États-Unis en 2005.

Après ce prélèvement, les stocks stratégiques de l'Agence permettront encore de couvrir l'équivalent de 90 jours d'importations pétrolières des pays membres.

Outre la «poursuite de la crise libyenne», l'agence invoque la perspective d'une forte hausse de la demande de pétrole, la «saison automobile» s'ouvrant dans l'hémisphère nord, allusion aux migrations estivales aux États unis et en Europe.

Au-delà des circonstances, l'Agence se montre soucieuse de ne pas contrarier la «fragile reprise» de l'économie mondiale, sur laquelle l'envolée des cours depuis novembre fait peser une «menace inacceptable», selon M. Tanaka.

Immédiatement après cette annonce de l'AIE, les cours du pétrole se sont fortement repliés, lâchant plus de huit dollars à Londres et près de six dollars à New York. Le baril de Brent de la Mer du Nord continuait toutefois d'évoluer non loin du niveau élevé de 110 dollars.

«L'AIE a totalement pris par surprise les investisseurs avec cette décision qui est une tentative de faire baisser les cours», trop élevés aux yeux des pays consommateurs, a relevé Myrto Sokou, analyste du courtier Sucden.

L'AIE a également été contrainte à agir en raison de l'échec, le 9 juin à Vienne, des pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) à s'entendre sur un relèvement de leurs quotas de production, fixés depuis janvier 2009 à 24,84 millions de barils par jour (mbj).

L'Arabie Saoudite avait toutefois indiqué son intention d'accroître sa production pour apaiser les tensions sur le marché.

M. Tanaka a indiqué que l'AIE avait été en «contact étroit» avec le principal producteur de pétrole de l'OPEP et que son initiative visait à «assurer la transition» jusqu'à l'arrivée sur le marché des barils saoudiens.

Dans le détail, les 28 membres de l'AIE, qui regroupe les pays industrialisés, libèreront deux millions de barils par jour pendant une période de 30 jours, les premiers barils devant arriver sur les marchés à la fin de la semaine prochaine.

Les États-Unis participeront à cet effort à hauteur de 50%, les pays européens de 30% et les pays asiatiques de 20%.

Le département américain de l'Énergie a confirmé son intention de puiser 30 millions de barils dans ses réserves. Il s'est dit prêt en outre à «prendre des mesures supplémentaires, si nécessaire».

De son côté, «la France va contribuer au prorata de sa consommation, soit 3,2 millions de barils, ce qui correspond à environ 2% des stocks stratégiques français», a précisé le ministre de l'Énergie Eric Besson.

Dans un autre communiqué, il a ajouté qu'il avait demandé au groupe pétrolier Total de répercuter à la pompe les baisses de prix consécutives à cette décision, et que le patron de Total avait accueilli «favorablement» cette demande.