Barack Obama va tenter mardi de rallier davantage d'Américains à sa politique syrienne, tâche compliquée par l'évolution rapide du dossier avec une proposition russe qualifiée de possible «percée importante» par un président au ton soudainement plus conciliant.

Le dirigeant américain, qui avait déjà semblé se raviser le 31 août en réclamant le feu vert du Congrès à l'usage de la force en Syrie alors que des frappes semblaient imminentes, a prévu de prononcer un discours solennel à la nation à 21 h 01 depuis la Maison-Blanche.

Il défend depuis dix jours sa décision de déclencher une opération militaire «limitée» contre le régime de Bachar al-Assad afin de le punir d'avoir utilisé son arsenal chimique le 21 août près de Damas, faisant 1429 morts selon Washington.

Mais la Russie a provoqué un nouveau coup de théâtre en annonçant avoir proposé à ses alliés syriens de placer leur stock d'armes chimiques sous contrôle international et de le détruire, une proposition acceptée mardi par Damas. Le porte-parole du Kremlin a affirmé que cette question avait été examinée par M. Obama et son homologue russe Vladimir Poutine lors d'un tête-à-tête en marge du G20 la semaine dernière.

Après des jours de déclarations fermes, le changement de ton de la Maison-Blanche a été spectaculaire : M. Obama a évoqué lundi une possible «percée importante» et estimé que les menaces américaines avaient «fait réfléchir» le gouvernement Assad. Interrogé sur la possibilité d'une «pause» dans le cheminement vers des frappes, au cas où les armes chimiques seraient sécurisées, M. Obama a répondu «tout à fait, si cela se produit».

Mais il a aussi mis en garde contre l'idée de donner carte blanche au gouvernement syrien : «Il nous faut rester sceptiques parce que ce n'est pas ainsi que nous les avons vus fonctionner ces deux dernières années», a-t-il affirmé.

Selon son porte-parole Jay Carney, M. Obama prendra acte mardi soir dans son discours d'une possible avancée diplomatique, mais continuera à argumenter en faveur de frappes punitives.

Le Sénat prépare une nouvelle résolution



Des sénateurs américains préparaient mardi une version modifiée de la résolution autorisant le recours à la force en Syrie seulement en cas d'échec du plan russe pour sécuriser les armes chimiques syriennes.

Deux sources sénatoriales ont confirmé à l'AFP qu'un groupe d'élus, démocrates et républicains, était en train d'élaborer un texte qui prendrait en compte la proposition russe formulée lundi et mettrait en place une date limite pour la mise sous contrôle international de l'arsenal d'armes chimiques syriennes.

«L'autorisation du recours à la force serait conditionnelle, et serait déclenchée seulement en cas d'échec du plan russe», a indiqué une source. «Il y aura une date limite spécifique pour que le Conseil de sécurité de l'ONU vote une résolution, et une date limite séparée pour que les inspecteurs vérifient que les Syriens ont bien transféré leurs armes chimiques».

Si ces deux conditions n'étaient pas remplies avant les dates limites spécifiées, l'autorisation serait alors donnée au président de frapper la Syrie.

Selon la même source, le Sénat appellerait l'ONU à voter une résolution qui inclurait un processus d'inspection, un accès total à tous les sites d'armes de destruction massive, des garanties pour la libre circulation des inspecteurs, des mesures immédiates pour qu'Assad commence à transférer sous contrôle international son arsenal, et des «conséquences claires», selon une source, en cas de non-respect de ces conditions.

La version finale était encore en train d'être rédigée mardi matin, et de nombreux détails pourraient encore changer au fur et à mesure des négociations.

Les huit membres du groupe de travail incluraient notamment les républicains John McCain et Lindsey Graham, partisans de frappes, et les démocrates Robert Menendez, président de la commission des Affaires étrangères, et Chris Coons, membre de cette commission.

Un premier vote de procédure devait avoir lieu mercredi au Sénat sur une résolution qui aurait limité à 60 jours, prolongeables à 90 jours, toute intervention en Syrie, et sans troupes au sol.

Mais ce vote a été brusquement reporté lundi par le chef de la majorité démocrate, Harry Reid, sans qu'une nouvelle date ait été fixée. Barack Obama a indiqué lundi qu'il ne pensait pas que le Congrès voterait «dans un avenir immédiat».

Congrès rétif

Les efforts de persuasion du Congrès, en particulier la Chambre, semblent toutefois encore loin d'avoir porté leurs fruits. Le président, lundi soir, a d'ailleurs avoué ne pas être certain d'obtenir le soutien des élus à un recours à la force.

Tout en prévenant qu'ils n'avaient pas besoin du Congrès pour lancer des frappes, M. Obama et son équipe ont mené une opération de grande envergure pour tenter de convaincre les élus, aussi bien à la Chambre des représentants contrôlée par les républicains qu'au Sénat dominé par les alliés démocrates du président.

Appels téléphoniques, rapports du renseignement, réunions d'explication à huis clos, barrage de déclarations de hauts responsables, interviews télévisées : il s'agissait pour l'exécutif de «saturer les ondes».

L'opinion publique paraît elle aussi sceptique quant à la nécessité pour Washington de déclencher de nouvelles opérations militaires au Moyen-Orient, même sans déploiement au sol, alors que les derniers soldats américains sont revenus d'Irak il y a moins de deux ans et que le déploiement en Afghanistan va entrer dans sa 13e année.

Selon une enquête CNN/ORC International diffusée lundi, 59 % des Américains ne souhaitent pas que le Congrès vote une résolution autorisant le recours à la force en Syrie, même limité, et plus de sept sur dix affirment que des frappes ne serviraient pas les intérêts américains.

Et selon une autre enquête NBC/Wall Street Journal mardi, seuls 28 % des Américains font confiance au président dans le dossier syrien, une baisse de sept points en un mois.

Pour Tom Baldino, spécialiste de la présidence américaine à l'Université Wilkes en Pennsylvanie, M. Obama va avoir fort à faire pour convaincre mardi.

«Dans ma vie, je ne me souviens pas d'un discours qui ait changé l'opinion publique», explique M. Baldino. «Certains discours ont eu de l'effet, mais une fois que l'opinion publique a pris une certaine direction, c'est vraiment difficile de renverser la tendance», ajoute-t-il.