Les forces syriennes ont tiré pour disperser des milliers de manifestants hostiles au régime vendredi, tuant au moins 11 personnes (un bilan qui ne cesse de s'alourdir), dont un enfant, à la veille de l'expiration d'un ultimatum arabe sommant le président Bachar al-Assad de cesser la répression.

Parallèlement, selon la télévision d'État, trois membres des forces de sécurité ont été tués dans une attaque à la bombe à Hama (centre), au moment où les risques de guerre civile s'amplifient avec la multiplication des attaques de militaires dissidents.

Sur leur page Facebook, les militants pro-démocratie ont consacré la journée à «l'expulsion des ambassadeurs» syriens à l'étranger, en appelant à des manifestations massives qui, comme chaque vendredi depuis la mi-mars, ont commencé après la prière hebdomadaire.

Les manifestants ont défilé à la sortie des mosquées dans de nombreuses villes, malgré un déploiement sécuritaire massif, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé au Royaume-Uni, et les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent les contestataires sur le terrain.

Les troupes ont ouvert le feu pour disperser les contestataires, faisant neuf morts et une trentaine de blessés, selon l'OSDH et les LCC. Deux manifestants ont été tués à Homs (centre), cinq personnes, dont un enfant, ont péri à Deraa (sud), trois autres dans la région de Damas et un huitième à Hama.

Le régime Assad semble sourd aux injonctions de la Ligue arabe qui lui a donné jusqu'à samedi pour cesser les violences contre les civils sous peine de sanctions économiques, après avoir suspendu la participation de son pays à l'organisation panarabe.

L'intransigeance des Arabes vient du fait que Damas ne respecte pas, contrairement à sa promesse, le plan de sortie de crise arabe qui prévoit la fin des violences, le retrait des troupes des villes, la libération de milliers de détenus et l'envoi d'observateurs arabes sur le terrain.

Malgré les pressions croissantes de l'Occident et des Arabes, M. Assad peut encore se targuer des soutiens de ses alliés chinois et russe, qui continuent de refuser toute ingérence étrangère en Syrie et de favoriser le dialogue en dépit des violences qui ont fait plus de 3500 morts en huit mois selon l'ONU.

La révolte populaire qui s'exprime à travers des manifestations est marquée depuis plus d'un mois par une intensification des opérations de l'Armée Libre de Syrie (ASL), regroupant des soldats insoumis qui ont mené des attaques aux roquettes RPG contre des centres des services secrets et du parti au pouvoir.

«Il y a un risque d'évolution vers la guerre civile», a dit le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu, dont le pays a coupé les ponts avec son voisin. Mais il a souligné qu'on n'en était pas encore là, car pour l'instant «ce sont la plupart du temps des civils qui sont attaqués» par les troupes.

Son homologue français Alain Juppé a affirmé qu'«une guerre civile serait la catastrophe» et a appelé l'opposition syrienne à éviter «le recours à l'insurrection armée», après avoir jugé qu'il était désormais «trop tard» pour le régime, faute d'avoir engagé les réformes démocratiques réclamées.

La veille, leur homologue russe Sergueï Lavrov avait accusé l'opposition syrienne de pousser le pays «à une véritable guerre civile».

Déjà en octobre, l'ONU avait dit craindre qu'une «lutte armée» ne dégénère en guerre civile.

Mais les États-Unis ont refusé de parler de guerre civile en rappelant la «campagne de répression (...) contre des manifestants innocents». Ils préconisent une accentuation des sanctions, comme la France et la Turquie.

Face aux divergences entre les grandes puissances sur le dossier syrien, Paris, Berlin et Londres veulent présenter au Comité des droits de l'homme de l'Assemblée générale de l'ONU une résolution condamnant les agissements du régime. Un vote devrait intervenir mardi.

Le succès d'une telle démarche pourrait augmenter la pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie et la Chine restant opposées à toute action à l'ONU contre le régime Assad.

Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a appelé à faire preuve «de retenue et de précaution» devant son homologue français François Fillon, qui a regretté que M. Assad reste «sourd» aux appels de la communauté internationale face à une situation «de plus en plus dramatique».