Le régime syrien a bombardé sans relâche jeudi les dernières zones rebelles dans la Ghouta orientale, empêchant la livraison d'aide humanitaire vitale à une population traumatisée par une offensive qui a tué plus de 900 civils depuis le 18 février.

Appuyé par son allié russe, le pouvoir de Bachar al-Assad a reconquis plus de la moitié du dernier bastion insurgé aux portes de Damas.

Sur un autre front de la guerre qui déchire la Syrie depuis 2011, les forces turques et les groupes rebelles pro-Ankara ont pris le contrôle de la localité de Jandairis, dans l'enclave d'Afrine, où elles mènent depuis le 20 janvier une offensive pour chasser les forces kurdes de cette région frontalière de la Turquie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dans la Ghouta orientale, les bombardements ont empêché jeudi une nouvelle tentative de livraison d'aides à la population de l'enclave rebelle assiégée, les forces du régime poursuivant sans répit leur offensive terrestre et leur pilonnage meurtrier, malgré les appels d'une communauté internationale impuissante face au bain de sang.

Selon l'Observatoire, qui donne un bilan de plus de 900 civils tués depuis le début de l'offensive, le régime veut scinder l'enclave pour affaiblir les deux principales factions du fief rebelle, Jaich al-Islam et Faylaq al-Rahmane.

Des combats entre insurgés et forces du régime se déroulent au coeur de l'enclave, en périphérie de la ville de Douma mais aussi des localités de Hammouriyé et Jisrine, plus au sud, cibles de raids aériens, d'après la même source.

Chaque jour, dans les hôpitaux, les blessés affluent. Parmi eux, des enfants terrorisés, au visage ensanglanté ou parfois blanc de la poussière des bâtiments pulvérisés par les explosions, selon les correspondants de l'AFP.

Un responsable militaire a indiqué à des journalistes que les autorités syriennes ont mis en place un nouveau couloir humanitaire, reliant la périphérie de la capitale au sud de l'enclave rebelle, pour permettre la sortie des civils.

Convoi «pas autorisé»

Les quelque 400 000 habitants de l'enclave, assiégés depuis 2013, subissent au quotidien pénuries de nourriture et de médicaments, et vivent désormais terrés dans les sous-sols pour échapper au déluge de feu du régime.

Des aides médicales et de la nourriture devaient y être distribuées jeudi mais l'ONU et des ONG ont annoncé que la livraison avait été ajournée.

«Aujourd'hui, l'ONU et ses partenaires n'ont pas pu retourner à Douma [...] car le mouvement du convoi n'a pas été autorisé par les autorités syriennes pour des raisons de sécurité», a indiqué Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), à Genève.

Lundi, un convoi d'une quarantaine de camions d'aide alimentaire et médicale avait déjà dû abréger sa mission en raison des bombardements sur Douma. Ce jour là, seule la moitié de l'aide alimentaire prévue avait pu être livrée, selon l'ONU.

Initialement, les aides qui devaient être distribuées cette semaine étaient destinées à 70 000 personnes.

Fin février, le Conseil de sécurité avait adopté une résolution réclamant un cessez-le-feu de trente jours dans toute la Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 340 000 morts.

La Russie s'est contentée de décréter de son côté une «pause humanitaire» quotidienne de cinq heures dans la Ghouta mais, jeudi, 13 civils ont encore été tués dans des raids aériens et des tirs de roquette sur deux localités de l'enclave rebelle. La veille des bombardements avaient fait 91 morts parmi la population, selon l'OSDH.

«Je suffoque»

Par ailleurs, au moins 60 personnes ont souffert mercredi de difficultés respiratoires à Saqba et Hammouriyé après des frappes aériennes, a indiqué l'OSDH.

À Hammouriyé, un correspondant de l'AFP a vu des dizaines de personnes - femmes et enfants - s'installer sur un toit dans l'espoir de pouvoir mieux respirer.

Les parents ont déshabillé les enfants qui toussaient sans cesse pour les laver à grande eau, et tenter d'éliminer une possible présence de gaz toxique sur leur corps.

«Je suffoque», hurlaient deux enfants, alors que des secouristes les portaient pour les emmener se faire soigner.

«En raison d'une attaque au gaz de chlore [...], des patients souffrent de difficultés respiratoires sévères», a indiqué de son côté la Société médicale syro-américaine (SAMS), une ONG qui soutient des centres médicaux en Syrie.

Le régime, qui a plusieurs fois démenti utiliser des armes chimiques, a été montré du doigt ces dernières semaines à la suite de plusieurs attaques présumées au gaz de chlore.

Ces accusations, que le président syrien Bachar al-Assad qualifie d'«irréalistes», ont provoqué un tollé sur la scène internationale, Washington et Paris brandissant la menace de frappes en Syrie.