Washington a appelé lundi le colonel Kadhafi à prendre le chemin de l'exil à l'occasion de la visite à Benghazi d'un haut responsable américain, offrant un nouveau succès diplomatique aux rebelles du CNT, désormais élevé au rang d'interlocuteur «clé» de l'Union européenne.

La France va par ailleurs envoyer des hélicoptères de combat pour mener des frappes au sol «plus précises» dans le cadre des opérations de la coalition internationale, a annoncé le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé.

Lundi, les États-Unis ont profité de la venue surprise dans la «capitale» de la rébellion du sous-secrétaire d'État chargé des affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, pour exhorter Mouammar Kadhafi à quitter son pays.

Washington «reste engagé à protéger la population libyenne et estime que Kadhafi doit quitter le pouvoir et la Libye», a affirmé le département d'État.

La visite de M. Feltman, plus haut dignitaire américain à se rendre à Benghazi depuis le début du soulèvement il y a plus de trois mois, constitue «un signal de plus du soutien américain au CNT (le Conseil national de transition), un interlocuteur crédible et légitime», a-t-il ajouté.

L'émissaire américain a «eu une série de rencontres avec des membres du CNT, dont son président» Moustapha Abdeljalil, a précisé à l'AFP un porte-parole de l'administration de Barack Obama en poste à Benghazi.

Les États-Unis ont été en pointe --avec la France et la Grande-Bretagne-- de la coalition intervenue en Libye le 19 mars sur mandat de l'ONU pour mettre fin à la répression sanglante de la révolte.

Du côté de l'Union européenne, les ministres des Affaires étrangères des 27 ont étendu à un membre de l'entourage du colonel Kadhafi, ainsi qu'à une compagnie aérienne libyenne, les mesures -gels des avoirs et interdictions de visa- déjà prises contre des membres du régime.

«L'UE a décidé d'intensifier ses efforts afin de bloquer l'accès du régime de Kadhafi à des ressources et à des fonds (...) en particulier pour empêcher le régime de renflouer son arsenal militaire et de recruter des mercenaires», indique une déclaration adoptée lundi à Bruxelles.

Surtout, l'UE a élevé le CNT au rang d'«interlocuteur politique clé représentant les aspirations du peuple libyen», ce qui rapproche Bruxelles d'une reconnaissance en bonne et due forme.

Ces succès traduisent l'offensive diplomatique lancée par le CNT, qui se poursuivait lundi, avec la visite de représentants en Turquie et en Russie.

Un émissaire de la rébellion a exclu lundi à Moscou toute négociation avec Mouammar Kadhafi après une rencontre avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov qui prônait une trêve et des négociations entre les opposants et le régime.

«Kadhafi doit donner sa démission et cesser les hostilités. Il anéantit la population de la Libye. Nous n'avons pas l'intention de négocier avec lui», a déclaré Abdel Rahman Shalgam, un ancien ministre des Affaires étrangères et ambassadeur à l'ONU, cité par les agences de presse russes.

Sur le terrain, l'OTAN a indiqué avoir effectué 50 frappes dimanche, visant notamment deux centres de commandement, près de Tripoli et de Brega, et un dépôt de munition à Syrte.

La France va envoyer des hélicoptères de combat, qui permettront «de mieux adapter nos capacités de frappes au sol avec des moyens de frappes plus précis», a dit M. Juppé, précisant que ces appareils ne serviront pas à débarquer des troupes d'occupation au sol.

Jusqu'à présent, seuls des avions -avec ou sans pilotes- ont mené les attaques de la coalition, mais ils ne parviennent plus à viser de nombreux chars ou troupes, car trop proches de populations civiles.

Paris avait déjà dépêché la semaine dernière un navire de guerre français de type Mistral combinant notamment les fonctions de porte-hélicoptères, de transport de troupes et de mise en oeuvre de moyens d'assaut amphibie et de commandement, a indiqué la Défense.

Les rebelles se sont quant à eux targués lundi d'avoir progressé de 20 km plus à l'ouest d'Ajdabiya, et sont désormais à mi-chemin entre Ajdabiya et Brega.

«Nous prévoyons d'aller à Brega dans quelques jours», a déclaré à l'AFP un porte-parole militaire de la rébellion, Ahmed Omar Bani.

Au Sud, dans le désert, les rebelles contrôlent Jallo, a indiqué lundi à l'AFP un combattant rebelle qui a passé dix jours dans ce village situé à 400 km environ au sud de Benghazi.

«Mais environ tous les deux-trois jours, il y a des combats avec les forces de Kadhafi qui viennent à Jallo», a-t-il dit, ajoutant: «La route entre Ajdabyia et Jallo n'est pas sûre du tout».

À l'ouest, dans les montagnes du djebel Nefoussa, près de la frontière tunisienne, «la situation est terrible», a-t-il raconté. «Il n'y a ni eau, ni nourriture. Nous ne pouvons pas les aider et cela dure depuis 47 jours».

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé 38 millions d'euros supplémentaires pour financer ses opérations en Libye où les «perspectives restent désastreuses».