Les journalistes étrangers qui assurent la couverture des événements en Égypte, dont plusieurs Canadiens, ont été visiblement ciblés, jeudi, certains d'entre eux ayant été malmenés par des manifestants ou momentanément détenus par la police militaire.

D'autres ont été confinés à leur hôtel, ne pouvaient circuler et étaient pris à parti dès qu'ils étaient identifiés comme journalistes. De plus, du matériel journalistique a été saisi.

Des reporters canadiens du Globe and Mail, du Réseau de l'information (RDI), de CBC, de CTV ainsi que du magazine québécois L'Actualité font partie des journalistes qui ont été intimidés, parfois malmenés et qui ont vu leur matériel saisi.

Le jeune journaliste pigiste de L'Actualité Jonathan Pedneault a dû être soigné à l'hôpital et recevoir des points de suture à la tête, après s'être retrouvé au coeur d'affrontements à coups de roches et de cocktails Molotov entre partisans et opposants au régime Moubarak.

Il a même été détenu par la police militaire, a été interrogé et s'est retrouvé les yeux bandés pendant une heure, puis fiché et filmé avant d'être remis aux autorités canadiennes.

Il est maintenant en sécurité et sera rapatrié au Canada le plus rapidement possible, a fait savoir le rédacteur en chef adjoint de L'Actualité, Charles Grandmont, en entrevue.

M. Grandmont rapporte que le caméraman de Fox News avec qui le journaliste Jonathan Pedneault se trouvait a été poignardé à la cuisse.

D'autres journalistes, du Washington Post, du New York Times et du réseau d'al Jazira, notamment, auraient été victimes de ce que les États-Unis considèrent comme un effort concerté pour museler la presse.

Le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a confirmé qu'il avait été informé que «des journalistes canadiens du Globe and Mail ont été détenus au Caire et ont depuis été libérés».

«Nous sommes conscients que des journalistes de RDI, CBC et CTV ont été ciblés et intimidés au Caire», s'est plaint M. Cannon.

Le ministre a exprimé son inquiétude. «Nous sommes particulièrement préoccupés par les rapports faisant état de l'arrestation de journalistes. Tous les journalistes détenus devraient être libérés immédiatement et leur équipement devrait être rendu.»

Il a dit s'attendre à ce que l'Égypte respecte les droits de la personne, incluant la liberté d'expression.

Du côté de Reporters sans frontière, le directeur de la recherche Gilles Lordet a crié à la «chasse aux sorcières orchestrée pour vider le Caire des journalistes de la presse internationale».

Il parle d'une campagne systématique de violence et d'exaction contre les journalistes et rapporte que tous les médias auprès desquels il s'est informé rapportent un cas de journaliste agressé ou pris à parti.

Même les journalistes expérimentés dans la couverture de tels soulèvements «n'ont jamais vu ça», rapporte M. Lordet.

De son côté, l'armée égyptienne a rassemblé des journalistes étrangers couvrant les événements au Caire pour leur propre protection.

D'autres correspondants ont aussi été battus à coups de poing ou à coups de bâtons par des groupes pro-Moubarak près de la place Tahrir, l'épicentre des manifestations qui font rage depuis maintenant plus d'une semaine.

Des dizaines de journalistes seraient présentement détenus par les forces de sécurité.

Jeudi midi, le Globe and Mail a confirmé que ses deux reporters, Patrick Martin et Sonia Verma, qui avaient été emmenés par l'armée égyptienne, ont été libérés après trois heures de captivité. Ils n'ont pas subi de blessures, peut-on lire sur le site Internet du quotidien torontois.

Le directeur du service de l'information étrangère du Washington Post, Douglas Jehl, a écrit sur le site Internet du quotidien que plusieurs témoins avaient rapporté que la chef de bureau du Caire, Leila Fadel, et une photographe, Linda Davidson, se trouvaient parmi la vingtaine de journalistes qui ont été arrêtés par le ministère égyptien de l'Intérieur.

Du côté du New York Times, on rapporte que deux journalistes auraient été libérés après avoir passé une nuit en détention au Caire.

Un journaliste du réseau al Jazira manque toujours à l'appel, a indiqué le diffuseur basé au Qatar dans un courriel. Trois autres correspondants du réseau sont par ailleurs toujours détenus par les forces de sécurité.

Dans un communiqué commun, les dirigeants français, allemand, britannique, italien et espagnol ont affirmé que «les attaques contre les journalistes sont totalement inacceptables».

Le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, a déclaré que le «ciblage systématique» des journalistes étrangers qui se trouvent en Égypte est inacceptable. Il a demandé la libération des journalistes qui sont détenus.

Il a également appelé le gouvernement à s'assurer que les manifestants puissent manifester pacifiquement. M. Gibbs n'a toutefois pas voulu indiquer si le président Hosni Moubarak devrait quitter ses fonctions immédiatement.

«Il y a une campagne concertée pour intimider les journalistes étrangers au Caire et pour les empêcher de faire leur travail. Nous condamnons de telles actions», a pour sa part affirmé le porte-parole du département d'État des États-Unis, P.J. Crowley.