Le Conseil de sécurité des Nations unies doit cesser de tergiverser et saisir dans les plus brefs délais la Cour pénale internationale (CPI) relativement aux exactions perpétrées en Birmanie contre les Rohingya.

Quatre organisations de défense des droits de la personne ont lancé un appel en ce sens hier alors qu'une délégation de diplomates de l'instance onusienne revenait d'une visite dans les camps de réfugiés du Bangladesh où survivent tant bien que mal près de 700 000 membres de cette minorité musulmane.

« Les dirigeants birmans ont démontré encore et encore qu'ils n'ont aucune intention de rendre des comptes » à ce sujet, a indiqué hier en entrevue Parampreet Singh, une analyste de Human Rights Watch qui se spécialise dans les questions de droit international.

Le Conseil de sécurité, dit-elle, doit cesser d'accorder la moindre crédibilité aux « promesses hypocrites » d'enquête des dirigeants birmans et demander l'intervention de la CPI, qui n'est pas reconnue formellement par le pays.

Une éventuelle enquête serait parsemée d'embûches puisqu'il est d'ores et déjà évident, relève Mme Singh, que la Birmanie ne permettrait pas aux représentants de la CPI de parcourir l'État de Rakhine, où la plupart des exactions sont survenues.

La présence de centaines de milliers de réfugiés au Bangladesh pourrait cependant permettre de recueillir des témoignages clés pour identifier les commandants responsables des exactions et, ultimement, les mettre en accusation.

« L'application du droit international n'est jamais chose facile, mais c'est très important pour les victimes. Il n'y a pas de passe-droit parce que c'est difficile », relève Mme Singh.

La saisie du Conseil de sécurité est compliquée par l'attitude de la Chine et de la Russie, qui se sont opposées jusqu'à maintenant à toute initiative de ce genre.

« La moindre discussion traitant de reddition de comptes suffit pour rendre certains États nerveux. »

La représentante de Human Rights Watch presse les pays occidentaux siégeant à l'instance onusienne de faire monter la pression.

L'ambassadrice du Royaume-Uni aux Nations unies, Karen Pierce, a indiqué à son retour de voyage au Bangladesh que la crise des Rohingya était l'un des cas d'atrocités les plus graves de la décennie et nécessitait une intervention urgente.

Selon l'Agence France-Presse, la Chine tentait hier de faire disparaître toute référence à la nécessité d'une enquête indépendante dans un projet de résolution défendu par Londres en prévision d'une réunion du Conseil de sécurité la semaine prochaine.

Dénégations de la Birmanie

L'armée birmane se défend d'avoir commis des crimes contre l'humanité contre les Rohingya dans le cadre d'une opération « de nettoyage » lancée après qu'un groupe armé disant agir au nom de la minorité musulmane eut lancé en août 2017 une attaque d'envergure visant des postes frontaliers.

Dans un rapport paru en novembre, l'organisme Fortify Rights relevait que les forces de sécurité birmanes et des milices leur prêtant main-forte avaient « commis des crimes contre l'humanité et du nettoyage ethnique » en réaction à cette offensive.

« Il y a de plus en plus d'éléments de preuve suggérant que ces actes représentent un génocide contre les Rohingya », peut-on lire dans le rapport de Fortify Rights, qui presse aussi le Conseil de sécurité de saisir la CPI.

Malgré les nombreux témoignages recueillis au Bangladesh, les autorités birmanes refusent de reconnaître que la population musulmane a été la cible d'une violente campagne de répression.

Sept soldats ont été condamnés en avril à la prison pour leur rôle dans le massacre de 10 Rohingya survenu dans un village, mais aucun autre cas de cette nature n'a été signalé.

« Le gouvernement plaide son innocence, mais les faits exigent que la CPI soit saisie maintenant », insiste le directeur de Fortify Rights, Matthew Smith.