L'avocat chinois Zhou Shifeng, éminent défenseur des droits de l'Homme, a été condamné jeudi à sept ans d'emprisonnement pour «subversion» --troisième verdict de ce type cette semaine, à l'heure où Pékin durcit sa répression contre les voix critiques du régime.

Zhou Shifeng était le directeur du cabinet juridique pékinois Fengrui, connu pour défendre des intellectuels dissidents, des membres de groupes religieux interdits et des victimes d'abus sexuels, entre autres affaires politiquement sensibles.

Il avait été arrêté il y a un an, à la suite d'une salve d'environ 200 interpellations d'avocats et militants intervenues à l'été 2015 dans toute la Chine et visant particulièrement sa firme Fengrui.

À l'issue de ce coup de filet, une dizaine de juristes et activistes avaient été placés en état d'arrestation et incarcérés.

Au terme d'une audience éclair, Zhou Shifeng a été reconnu coupable jeudi de «subversion contre le pouvoir de l'État», se voyant infliger une peine de sept ans d'emprisonnement, a annoncé la Deuxième cour intermédiaire de Tianjin (nord).

Deux militants des droits civiques également arrêtés en juillet 2015 avaient été condamnés cette semaine par ce même tribunal pour «subversion», après des procès expéditifs sous haute surveillance.

Ces audiences sont «une farce politique» ne permettant aucun procès équitable, le sort des prévenus «étant scellé avant même qu'ils n'entrent au tribunal», a réagi Roseann Rife, de l'ONG Amnesty International.

Des dizaines de policiers en uniforme et en civil - identifiables grâce à leurs épinglettes étoilées - interdisaient toujours jeudi l'accès au tribunal de Tianjin, a constaté l'AFP.

Les journalistes étaient enjoints de s'éloigner, suivis de près par des policiers --jusque dans les toilettes d'un centre commercial voisin--, tandis que des «passants» prétendant attendre le bus filmaient les représentants des médias.

«Gratitude» pour Xi

M. Zhou a «attaqué le système socialiste», utilisant son cabinet Fengrui pour «défier le gouvernement» et «mettre en péril la sécurité nationale», insistait le verdict.

L'avocat, qui a plaidé coupable, a déclaré qu'il ne ferait pas appel, estimant que «la justesse» du jugement «passerait le test de l'histoire», avant de remercier l'ex-dirigeant Deng Xiaoping, selon des vidéos diffusées par la télévision étatique CCTV.

Cruelle ironie: cette «autocritique», telle qu'aiment les orchestrer les autorités communistes, s'est achevée par un hommage au président Xi Jinping, auquel Zhou a exprimé «sa gratitude» pour avoir «renforcé le régime de droit» dans le pays.

Ces déclarations lénifiantes contrastent vivement avec les combats passés de maître Zhou.

En 2008, il avait poursuivi l'un des plus puissants groupes laitiers de Chine après un retentissant scandale de lait contaminé à la mélamine.

Sous sa direction, le cabinet Fengrui a également assuré la défense de l'artiste contestataire Ai Weiwei, de l'économiste ouïghour Ilham Tohti --condamné à la prison à vie pour «séparatisme»--, et de la militante des droits de l'Homme Cao Shunli.

Épouses en résidence surveillée

L'AFP s'est vu refuser l'accès à l'audience, à laquelle la famille de M. Zhou n'assistait pas non plus.

Le tribunal a assuré dans un microblogue que Zhou Shifeng avait lui-même par deux fois exigé par écrit que ses proches, qualifiés de «non éduqués», n'assistent pas à son procès, avec pour «preuve» la photographie d'une lettre manuscrite attribuée à Zhou.

Cependant, dans une vidéo postée en ligne, Wang Qiaoling, l'épouse de l'avocat emprisonné Li Heping, a indiqué qu'elle ainsi que d'autres proches de juristes incriminés étaient consignés chez eux en résidence surveillée.

Des épouses de militants arrêtés l'an dernier avaient déjà déploré auprès de l'AFP d'être privées de tout contact avec eux.

Détenu en juillet 2015, Hu Shigen, auteur dissident et responsable d'églises clandestines à Pékin, a été condamné mercredi à sept ans et demi de prison par la cour de Tianjin, accusé d'avoir «fomenté une révolution «colorée»» pour renverser le régime.

Il avait déjà passé seize ans derrière les barreaux pour avoir tenté de commémorer l'écrasement meurtrier des manifestations prodémocratiques de Tiananmen en 1989.

Le militant Zhai Yanmin a lui été reconnu coupable mardi de «subversion» pour des manifestations antigouvernementales à répétition, mais n'a écopé que de trois ans de prison avec sursis.

Enfin, Mme Wang Yu, célèbre avocate quadragénaire de Fengrui et défenseur d'Ilham Tohti, a récemment été libérée sous caution, selon la télévision hongkongaise Phoenix --ce que l'AFP n'a pu indépendamment vérifier.