Les États-Unis veulent vendre à Taïwan pour 1,8 milliard de dollars d'armes, dont deux frégates, une décision qui ne remet pas en cause quatre décennies de la politique américaine d'«une seule Chine» mais qui a provoqué la colère de Pékin.

Ce gros contrat pour de multiples équipements de défense intervient dans un contexte de rapprochement entre la Chine communiste et l'île de Taïwan nationaliste séparées depuis 1949, mais aussi des inquiétudes de Washington qui accuse Pékin de «militariser» une partie de la mer de Chine.

«L'administration a notifié au Congrès aujourd'hui la vente d'un ensemble d'armes défensives à Taïwan pour 1,83 milliard de dollars», a annoncé mercredi le département d'État dans un communiqué.

Cette requête du gouvernement démocrate, en vue d'un feu vert sous 30 jours très probable du Congrès républicain, comprend deux «frégates de type Perry, des missiles antichars, des véhicules amphibie» ainsi que divers systèmes électroniques de guidage et des «missiles sol-air Stinger».

Ces ventes d'armes à Taïwan, que les États-Unis, à l'instar de presque toute la communauté internationale, ne reconnaissent pas officiellement, sont «motivées par la Loi sur les Relations avec Taïwan (de 1979, Ndlr) et fondées sur une évaluation des besoins de Taïwan en matière de défense», a argumenté le porte-parole du département d'État, John Kirby, interrogé sur le timing de cette annonce et le mécontentement de la Chine.

Les États-Unis entretiennent de «longue date une politique de ventes d'armes à Taïwan» conduite par «six administrations américaines différentes», a fait valoir le gouvernement du président Barack Obama.

De fait, Washington s'était spectaculairement rapproché de la Chine communiste au début des années 1970, sous la présidence du républicain Richard Nixon, avant d'établir des relations diplomatiques en 1979. L'Amérique s'était simultanément dotée d'une loi sur les Relations avec Taïwan.

«Une seule Chine»

À cet égard, la diplomatie américaine a réaffirmé qu'il n'y avait «pas de changement à la politique de longue date d'une seule Chine», c'est-à-dire vis-à-vis de Pékin.

Mais avant même l'annonce de cette vente qui avait fuité dans des médias, Pékin avait exprimé lundi sa «ferme opposition» et prévenu Taïwan de la mise en péril des relations entre les deux voisins à l'histoire tumultueuse. «La Chine exhorte avec force la partie américaine à prendre sérieusement conscience de l'extrême sensibilité et des graves dommages des ventes d'armes à Taïwan», avait martelé le porte-parole de la diplomatie chinoise.

Son homologue américain, M. Kirby, a rétorqué que «les Chinois pouvaient réagir comme bon leur semble», en révélant que des responsables américains avaient été «en contact aujourd'hui avec des homologues taïwanais et de la République populaire de Chine (RPC)».

«Il n'y pas de raison qu'il y ait un effet négatif sur notre relation avec la Chine», a-t-il jugé.

Au Congrès aussi, élus républicains et démocrates ont fait fi du courroux de la deuxième puissance mondiale.

Le sénateur républicain John McCain, a exprimé son «fort soutien (...) à une décision qui correspond (...) à notre intérêt national (afin) d'aider le gouvernement démocratique à Taipei à préserver la stabilité de part et d'autre du détroit de Taïwan».

Le représentant démocrate Eliot Engel a regretté que la «dernière» vente d'armes à Taipei remonte à quatre ans: «Il ne faut pas que notre relation avec la RPC se fasse au détriment de notre amitié avec le peuple de Taïwan ou de notre implication pour la défense de Taïwan».

Pékin considère depuis 1949 Taïwan comme lui appartenant et n'a pas renoncé à la réunification, par la force si nécessaire. Les relations se sont toutefois apaisées avec l'élection en 2008 du président taïwanais Ma Ying-jeou. Ce dernier et le président chinois Xi Jinping ont tenu un sommet historique le 7 novembre. Il s'agissait de la première rencontre entre dirigeants des deux régimes depuis la proclamation par Mao Tsé-toung de la RPC en 1949, quand les nationalistes du Kuomintang s'étaient réfugiés à Taïwan.

Les États-Unis s'alarment aussi depuis des mois des ambitions territoriales maritimes de Pékin en mer de Chine méridionale et orientale. Elles alimentent des contentieux avec les voisins en Asie orientale. Pékin a entrepris d'énormes opérations de remblaiement d'îlots, transformant des récifs coralliens en ports, pistes d'atterrissage et infrastructures diverses. Le secrétaire d'État John Kerry avait fustigé en août une «militarisation» entreprise par la Chine.