Plus de 100 parlementaires japonais se sont rendus mercredi au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, au risque de déclencher à nouveau la colère de la Chine et de la Corée du Sud qui considèrent ce lieu de culte comme un symbole du passé militariste du Japon.

Un total de 106 députés et sénateurs, appartenant à différents partis, ont effectué cette visite groupée à l'occasion du festival de Printemps, à l'approche du 70e anniversaire de la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, aucun ministre du gouvernement conservateur de Shinzo Abe n'y a pris part.

Selon des journalistes de l'AFP sur place, ce pèlerinage s'est déroulé de bon matin sous le soleil dans ce site shintoïste qui rend hommage aux âmes de quelque 2,5 millions de morts pour la patrie, mais où sont aussi enregistrés les noms de 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés après 1945, d'où l'ire de Pékin et Séoul.

La Corée du Sud a exprimé mercredi sa «profonde déception et ses regrets».

«Le fait que de hauts dirigeants japonais continuent à envoyer des offrandes ou à visiter le sanctuaire, symbole de l'agression coloniale japonaise, 70 ans après la fin de la guerre, prouve bien que le Japon est toujours incapable de se confronter sa propre Histoire», a déploré le ministère sud-coréen des Affaires étrangères dans un communiqué.

Anniversaire symbolique 

Une partie des députés et sénateurs, généralement de droite, font régulièrement des pèlerinages dans ce sanctuaire lors de ses festivals saisonniers ainsi que le 15 août, jour anniversaire de la capitulation du Japon en 1945.

«Je rends à nouveau grâce au Japon d'avoir maintenu la paix pendant 70 ans. Les âmes (du sanctuaire) doivent en être aussi comblées», a commenté Hidehisa Otsuji, un représentant du Parti libéral démocrate (PLD, conservateur, au pouvoir), qui a conduit la délégation parlementaire.

Le premier ministre, Shinzo Abe, avait fait déposer mardi un «arbre sacré» au sanctuaire Yasukuni, mais il ne s'y est pas rendu lui-même.

Interrogé sur l'offrande de M. Abe, vivement critiquée par Pékin et Séoul, le sénateur Otsuji a justifié le geste du Premier ministre, estimant qu'il répondait à l'attente des «âmes» du Yasukuni qui «prient pour la paix du pays».

Le chef du gouvernement aux convictions nationalistes assumées était allé se recueillir au Yasukuni en décembre 2013 pour fêter la première année de son retour au pouvoir.

Mais il s'est abstenu depuis de réitérer ce geste vécu comme un affront et une provocation par Pékin et Séoul, d'autant qu'il s'agissait de la première visite d'un Premier ministre japonais en exercice depuis 2006. Même Washington, proche allié du Japon, avait publiquement fait part de sa «déception».

Sommet Abe-Xi? 

Les relations du Japon avec ses voisins restent empoisonnées par le souvenir des atrocités commises par les troupes impériales pendant la colonisation de la péninsule coréenne (1910-1945) et lors de l'occupation partielle de la Chine (1931-1945).

Outre ces querelles historiques, perdurent des disputes territoriales régulièrement ravivées d'un côté ou de l'autre.

La visite des parlementaires nippons au Yasukuni survient alors que le Japon et la Chine envisagent la tenue d'un possible sommet entre M. Abe et le président chinois Xi Jinping, en marge d'une conférence Asie-Afrique qui se tient actuellement en Indonésie.

Selon des médias japonais, la rencontre pourrait même avoir lieu dès mercredi soir, mais il n'y a pas eu de confirmation officielle.

Le Premier ministre japonais, qui s'apprête à faire une importante visite à Washington, et le président chinois se sont déjà brièvement entretenus en marge du sommet du Forum économique Asie-Pacifique (Apec) l'an dernier en Chine, mais la poignée de mains avait été plutôt froide.

Mardi, la Chine, par la voix d'un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei, a rappelé à Shinzo Abe le poids symbolique du 70e anniversaire de la reddition du Japon.

«Le dirigeant japonais doit prendre des mesures concrètes pour honorer la promesse (de son pays) d'examiner sans fard son passé d'agression (...) et d'obtenir la confiance de ses voisins et de la communauté internationale», a plaidé M. Hong.

M. Abe a récemment laissé entendre, dans une interview télévisée, qu'étant d'accord avec les précédentes excuses du Japon quant à son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale, il ne voyait pas la nécessité de les «réécrire».

Mais la Chine, comme la Corée du Sud, considère que l'archipel n'a toujours pas présenté de repentance «sincère» pour les crimes qu'il a commis dans la région.