Un bras de fer à haut risque se dessine à Hong Kong où la population se mobilise par crainte de voir ses droits et libertés s'étioler sous la pression de Pékin.

Les autorités de l'ancienne colonie britannique, passée sous contrôle chinois le 1er juillet 1997, multiplient depuis quelques jours les interventions afin d'endiguer le mouvement de protestation.

Cinq membres du Front civil des droits de l'homme qui avaient participé à l'organisation d'une manifestation monstre tenue mardi pour marquer l'anniversaire de la rétrocession et plaider pour des mesures démocratiques ont été arrêtés hier par la police, suscitant de vives protestations.

Près de 500 personnes qui refusaient de quitter les lieux à l'issue du rassemblement avaient déjà été appréhendées dans la nuit de mardi à mercredi.

L'une des principales revendications des manifestants portait sur le mécanisme d'élection du chef de l'exécutif de la «région administrative spéciale», qui dispose d'une grande autonomie et de libertés inexistantes en Chine continentale.

À l'heure actuelle, le dirigeant est désigné par une commission électorale de 1200 membres qui se voit accusée par ses critiques de filtrer les candidats en reflétant les exigences de Pékin.

Référendum informel

Un groupe pro-démocratique, baptisé Occupy Central, a mené récemment un référendum informel afin de trouver quelle formule électorale semblait la plus appropriée à la population. Ils ont indiqué la semaine dernière que des centaines de milliers de personnes s'étaient prononcées à cette occasion pour un système de suffrage universel largement ouvert. Les organisateurs ont menacé d'occuper le quartier des affaires de la ville si leurs revendications ne sont pas entendues.

La consultation a été dénoncée comme un acte «illégal» et «ridicule» par les médias proches de Pékin, qui ont largement ignoré la manifestation tenue plus tôt cette semaine. Des chercheurs de l'Université de Hong Kong ont relevé que le rassemblement avait été largement censuré dans les médias sociaux.

Marie-Ève Reny, professeure de science politique à l'Université de Montréal, relève en entrevue que l'organisation du référendum a envoyé «un signal clair que la population de Hong Kong n'allait pas se soumettre aux décisions de Pékin». L'importance de la manifestation de mardi est venue renforcer plus encore le message, dit-elle.

Promesse et inquiétudes

Lors de la rétrocession, le gouvernement chinois s'était engagé à introduire le suffrage universel en 2017, mais l'engagement risque fort de rester lettre morte, selon Mme Reny. Elle pense qu'il s'agissait d'une «promesse en l'air», notamment parce que Pékin ne veut pas créer un précédent susceptible d'alimenter les revendications démocratiques en Chine continentale.

La chercheuse note que la population s'inquiète par ailleurs de ce qu'elle perçoit comme l'influence croissante du gouvernement chinois sur la vie dans l'ancienne colonie.

Kenneth Lieberthal, analyste à la Brookings Institution, relève dans la même veine que beaucoup de citoyens de Hong Kong, en particulier parmi les jeunes, craignent l'impact de Pékin sur les médias, la vie sociale et économique ou encore l'indépendance de la justice.

«Ils expriment très clairement la conviction que les libertés fondamentales garanties en 1997 vont s'éroder sur le long terme», relève l'analyste.

Le chercheur pense que les manifestations vont gagner en importance au fil des mois et augmenter les risques de dérapage si on ne trouve aucun compromis, notamment sur le mode de désignation du chef de l'exécutif.

«Si ces manifestations sont déclarées illégales, des décisions très sérieuses vont devoir être prises quant au niveau de tolérance qui sera manifesté envers les protestataires et à la manière dont les forces de sécurité vont répondre», souligne-t-il.

«Je ne suis pas en train de prédire que les choses vont prendre une tournure violente. Mais si c'est le cas, les conséquences seraient énormes», prévient l'analyste.

Mme Reny ne pense pas qu'une répression musclée soit envisageable pour Pékin et les dirigeants de Hong Kong. Une telle action, dit-elle, ne ferait «qu'encourager la population à se mobiliser davantage».