La junte au pouvoir en Thaïlande va instaurer un gouvernement intérimaire, sans pour autant quitter le pouvoir, ont indiqué mercredi des sources proches des militaires, faisant craindre un verrouillage à long terme.

Elle a déjà rédigé pour cela la Constitution intérimaire. Le texte donne une idée de l'architecture du pouvoir dans les prochains mois.

Il prévoit une Assemblée nationale de 200 membres nommés par la junte, principalement des militaires, ont précisé ces responsables sous couvert de l'anonymat.

Si ces informations sont confirmées, «ce point est très important, et effrayant», a commenté l'analyste Paul Chambers, notant que le Parlement serait ainsi dominé par l'armée pour la première fois depuis plus de vingt ans, comme après le coup d'État de 1991.

Cette Assemblée sélectionnera ensuite un premier ministre, en place jusqu'à des élections promises dans au moins un an.

Mais le gouvernement intérimaire ne signifiera pas la dissolution du Conseil national pour la paix et l'ordre (NCPO, nom de la junte).

«Le pouvoir du NCPO restera. C'est différent (du précédent putsch) de 2006 où le pouvoir militaire avait disparu au profit du gouvernement intérimaire», a souligné l'une des sources, alors que selon les analystes, en 2006, la junte avait eu du mal à garder le contrôle sur le gouvernement nommé.

«Nous avons retenu la leçon. En transférant le pouvoir dans d'autres mains, nous ne sommes pas sûrs qu'ils feront ce qu'on attend d'eux», a ajouté cette source.

Ces responsables n'ont pas précisé la répartition des pouvoirs entre la junte et le gouvernement intérimaire.

La Constitution intérimaire prévoit également la création d'un «Conseil des réformes» de 250 membres également nommés, selon eux.

Dans un entretien à la BBC diffusé jeudi, le général Chatchalerm Chalermsukh, responsable de la supervision du système judiciaire, a indiqué que ce Conseil serait composé de «personnes issues de toutes les catégories de la société», «sélectionnées» par la junte.

L'armée, qui a suspendu la Constitution et largement limité les libertés civiles, a expliqué avoir pris le pouvoir pour restaurer l'ordre public après sept mois de manifestations meurtrières contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin Shinawatra, ex-premier ministre renversé en 2006.

Alors que Washington et Bruxelles la pressent pour un retour rapide à la démocratie, la junte a exclu des élections avant un an pour permettre de mettre en place d'ici là des réformes politiques selon elle nécessaires pour mettre un terme à ces années de troubles politiques.

Le putsch «pas planifié»

Le général Prayut Chan-O-Cha, chef de la junte, qui doit normalement prendre sa retraite fin septembre, avait déclaré récemment qu'un gouvernement intérimaire serait mis en place d'ici septembre, sans préciser s'il serait civil ou militaire.

Les analystes notent que le programme en trois phases de la junte ressemble fort aux revendications de Suthep Thaugsuban, leader des manifestations ayant précédé le putsch. Il exigeait des «réformes», non précisées, avant toute élection.

Mais le général Chatchalerm a rejeté dans l'entretien à la BBC les déclarations selon lesquelles la junte avait prévu le coup d'État du 22 mai depuis des années.

«À ma connaissance, cela n'a pas été planifié. Parce que si cela avait été planifié, ce serait illégitime», a-t-il ainsi assuré.

Cette affirmation s'oppose aux déclarations qu'aurait faites Suthep ce week-end. Selon la presse locale, il a assuré samedi qu'il planifiait ce putsch avec le général Prayut depuis 2010.

Le fait que le coup d'État se soit passé «en douceur», donnant l'impression d'une grande préparation, s'explique par le fait que l'armée était déjà présente à Bangkok pour maintenir l'ordre en pleine crise politique, a assuré le général Chatchalerm.

Une fois les réformes effectuées, «tous les Thaïlandais auront le droit de prendre part aux élections, y compris la famille de Thaksin Shinawatra», a-t-il d'autre part insisté.

Les proches de Thaksin étaient revenus au pouvoir en remportant toutes les législatives organisées après 2006.

«Nous ne pourchassons pas Thaksin comme nous l'avons fait par le passé. Il est libre de faire ce qu'il veut», a encore ajouté le général sur la BBC.

Thaksin, qui reste le facteur de division du royaume, vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières.