Une vidéo poignante filmée par un écolier sur son téléphone portable montre ses camarades plaisantant à propos du Titanic avant le chavirement du traversier sud-coréen qui a emporté des centaines d'entre eux dans la mort.

Ces images ont été prises le 16 avril au matin par un adolescent de 17 ans, dont le corps a été retrouvé par des plongeurs dans l'épave du bateau, ainsi que son téléphone.

Dans la vidéo diffusée par les médias sud-coréens à la demande du père de l'élève, les jeunes se révèlent d'humeur joyeuse lorsque le traversier s'incline sur son bord droit.

Rien ne semble devoir contrarier la croisière. Les écoliers sont en voyage scolaire. L'équipage se veut rassurant. Aucun ordre d'évacuation n'a été donné.

«Sauvez-moi», s'amuse un élève tandis qu'un autre suggère de poster la vidéo sur Facebook.

«Ça devient comme le Titanic», plaisante un troisième.

L'heure du téléphone indique que Park Su-hyeon a commencé à filmer à 8 h 52 locales, quelques minutes avant que l'équipage du Sewol n'envoie le premier signal de détresse.

Onze minutes plus tard, les écoliers ne se sont toujours pas départis de leur gaieté. L'un d'eux juge, sur un ton cabot, qu'il est temps pour lui de transmettre ses dernières volontés. D'autres se demandent si l'incident sera aux infos.

Et puis, lentement, l'angoisse et la confusion saisissent les jeunes qui réalisent la gravité de la situation.

Un jeune a les jambes tremblantes et se sent nauséeux. Un autre réagit, interdit, à l'ordre de mettre les gilets de sauvetage.

«Je ne comprends pas. Mettre les gilets de sauvetage? Ça veut dire que le bateau est en train de couler?».

Les visages des jeunes ont été floutés.

Tout au long de l'enregistrement, on peut entendre l'équipage ordonner par haut-parleur aux passagers de rester où ils sont.

«Que fait le capitaine?»

Le capitaine et 14 marins ayant survécu à la catastrophe ont été arrêtés, soupçonnés d'avoir tardé à donner l'ordre d'évacuation de sorte que, lorsque cet ordre est enfin intervenu, l'inclinaison du navire était trop prononcée pour permettre aux élèves de sortir.

L'officier a expliqué avoir voulu empêcher des passagers de sauter à la mer avant l'arrivée des secours, et de se noyer.

«Que fait le capitaine?», s'interroge un élève dans la vidéo.

Sur les 476 passagers du Sewol, 325 étaient des écoliers du même établissement se rendant sur l'île de Jeju.

Le bilan du naufrage était vendredi de 226 morts et 76 disparus.

La vidéo risque d'attiser la colère des familles des victimes face à la conjugaison apparente de graves dysfonctionnements, d'incompétence et de laxisme règlementaire.

Le capitaine en titre du traversier - en congé au moment de l'accident - a déclaré aux enquêteurs avoir vainement prévenu la compagnie de graves problèmes de stabilité.

La compagnie, Chonghaejin Marine Co., a racheté en 2012 le navire alors en service depuis 18 ans. Elle a fait construire des cabines supplémentaires qui ont altéré son équilibre et réduit sa capacité à résister à la houle.

Et les gardes-côtes ont diffusé un enregistrement vidéo montre le capitaine Lee Joon-seok, 69 ans, aux commandes du bateau le matin du 16 avril, en veste et caleçon, tentant de quitter son navire en laissant les passagers derrière lui.

L'enquête doit notamment établir si le traversier était surchargé alors que les listes de passagers auraient été incomplètes et inexactes.

Interrogé vendredi à l'issue de son audition par les enquêteurs sur le fait de savoir si un excès de cargaison pouvait expliquer le naufrage, un responsable de la compagnie propriétaire du Sewol a simplement répondu: «Oui».