La Thaïlande a connu jeudi un regain de violences meurtrières, avec un policier tué par balles et des dizaines de blessés lors de manifestations d'opposants décidés à empêcher l'organisation de législatives.

Le policier tué a été touché «en pleine poitrine», selon l'hôpital général de la police.

Ces tirs sont survenus alors que des manifestants très remontés affrontaient les forces de l'ordre les empêchant d'entrer dans le stade de Bangkok où avaient lieu les inscriptions des candidats aux élections.

Le stade a même été bloqué par les manifestants, obligeant plusieurs responsables de la commission à être évacués par hélicoptère.

«Nous ne pouvons pas organiser des élections libres et justes dans ces circonstances», a déclaré parmi eux Prawit Rattanapien, membre de la commission électorale thaïlandaise, recommandant un report du scrutin.

Mais dans la soirée, le gouvernement a exclu de repousser ces élections. «La commission électorale dit que les élections entraîneront des violences. Le gouvernement pense lui que le report du scrutin entraînera des violences», a déclaré le vice-Premier ministre Phongthep Thepkanjana.

Selon la Constitution, le scrutin doit avoir lieu dans les 60 jours après la dissolution du Parlement, soit d'ici au 9 février 2014.

La première ministre Yingluck Shinawatra, en visite dans le nord du pays, se retrouve néanmoins dans une impasse, face à une mobilisation qui ne faiblit pas et a mobilisé récemment jusqu'à plus de 150.000 manifestants par jour.

Depuis des semaines, les manifestants réclament son départ, l'accusant d'être la marionnette de son frère, Thaksin Shinawatra, lui-même ex-Premier ministre, en exil après un coup d'Etat contre lui en 2006.

L'opposition est accusée de vouloir recréer une situation similaire à celle de 2006, quand l'armée était intervenue après des mois de chaos politique.

Ils veulent le remplacement du gouvernement par un «conseil du peuple» non élu, pendant 18 mois, avant de nouvelles élections.

Jeudi, les violences ont fait leur retour, contrées par des jets de gaz lacrymogènes et tirs de balles en caoutchouc, comme au plus fort des manifestations de début décembre.

Cinq personnes avaient alors trouvé la mort dans des affrontements entre opposants et partisans du gouvernement.

Des manifestants violents, lançant des briques ou des tables, ont tenté jeudi d'entrer de force dans le stade, a constaté un photographe de l'AFP.

Au total, près d'une centaine de personnes ont été blessées selon les services de secours, dont un manifestant dans un état grave, «vraisemblablement blessé par un tir à balle réelle» à la tête selon le ministère de la Santé.

Deux journalistes figurent parmi les blessés, un Japonais et un Thaïlandais, blessé par balles.

Tirs à balles réelles

Au total, 25 policiers ont été hospitalisés, dont dix dans un état grave, selon la police.

«Les manifestants ne sont pas pacifiques et non-armés comme ils le prétendaient», a déclaré à la télévision le vice-Premier ministre Surapong Tovichakchaikul, les accusant de tenter d'«intimider» les responsables de la commission électorale.

La police assure que les tirs ne viennent pas de ses rangs.

Pour mettre fin à la crise, Yingluck a convoqué des élections législatives anticipées pour le 2 février, mais l'opposition, qui n'a pas remporté d'élection depuis 20 ans, a annoncé la semaine dernière qu'elle les boycotterait.

Une trentaine de partis politiques ont quant à eux répondu présents pour le scrutin.

Cette crise est la plus importante depuis celle de 2010, qui s'était soldée par plus de 90 morts et une intervention de l'armée.

Pour le moment, l'armée, élément clé de cette monarchie constitutionnelle qui a connu 18 coups ou tentatives de coups d'État depuis 1932, refuse de prendre parti.

Et la police a jusqu'à présent fait preuve de retenue, sur ordre du gouvernement, qui espère ainsi désamorcer la contestation.

Mercredi, le pouvoir a prolongé de deux mois l'application d'une «loi de sécurité spéciale», qui renforce le champ d'action de la police.

Les manifestants, coalition disparate de membres des élites et de la classe moyenne de Bangkok mais aussi d'ultra-royalistes, ont comme point de ralliement leur haine de Thaksin et de son «régime», persistante malgré son exil.