Les manifestants réclamant le départ de la Première ministre thaïlandaise ont accru leur pression de façon spectaculaire lundi, pénétrant dans deux ministères et menaçant de s'emparer d'autres, dernière étape en date du mouvement de rue le plus important depuis la crise de 2010.

Lundi après-midi, des centaines de manifestants sont entrés dans le complexe du ministère des Finances. «C'est la dernière étape de la désobéissance civile», a déclaré à la foule Suthep Thaugsuban, un des dirigeants du Parti démocrate, principal parti d'opposition, entré dans le complexe avec ses partisans.

«Si les fonctionnaires ne cessent pas leur travail, nous prendrons tous les ministères demain pour montrer que le système Thaksin n'a pas de légitimité à diriger le pays», a-t-il ajouté, en référence à l'ancien Premier ministre en exil, Thaksin Shinawatra, qui reste au coeur de la politique du royaume.

En fin de journée, les manifestants ont ensuite pénétré dans le complexe du ministère des Affaires étrangères, apparemment pas gardé par les forces de l'ordre, en cassant le portail. Ils ont demandé aux fonctionnaires de partir et de ne pas revenir mardi, a précisé le porte-parole du ministère.

Plusieurs dizaines de milliers d'opposants au gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, ont marché lundi vers une dizaine de sites, dont les sièges de la police et de l'armée. Ils s'apprêtaient à dormir aux ministères et au pied du Monument de la Démocratie, lieu emblématique de leur mouvement, où les tentes sont plantées depuis des jours et l'organisation bien rodée, entre distribution de nourriture et bus-WC.

La Première ministre a annoncé lundi soir l'extension à tout Bangkok d'une loi de sécurité spéciale, renforçant le champ d'action de la police. Elle a appelé les Thaïlandais à «ne pas se joindre à des manifestations illégales».

Washington, de son côté, a lancé lundi un appel «à toutes les parties à faire preuve de retenue et à respecter la loi». «La violence ou la violation de propriétés publiques ou privées ne sont pas des moyens acceptables pour résoudre des différends politiques», a indiqué la porte-parole du Département d'État, Jennifer Psaki.

À Bangkok lundi certains participants ont, eux, appelé à une intervention militaire dans un pays qui a connu 18 coups d'État ou tentatives depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1932, dont celui qui a renversé Thaksin en 2006.

Éparpillés dans la capitale, les manifestants agitaient des drapeaux thaïlandais, dans un bruit assourdissant de sifflets, leur signe de ralliement.

Les rues du centre-ville étaient vides, hormis les manifestants. Et de grands parpaings de béton bloquaient l'accès au siège du gouvernement.

«Déraciner» le régime

Les partisans de l'opposition - 150 000 à 180 000 selon les autorités, bien plus selon les organisateurs - s'étaient déjà rassemblés dimanche, après des semaines d'une mobilisation quasi quotidienne.

La dernière crise en date, au printemps 2010, avait vu jusqu'à 100 000 «chemises rouges» fidèles à Thaksin occuper le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque dirigé par le chef du Parti démocrate Abhisit Vejjajiva, avant un assaut de l'armée.

Cette crise, la plus grave de la Thaïlande moderne, avait fait 90 morts et 1900 blessés et mis en lumière les divisions profondes de la société entre les masses rurales et urbaines défavorisées du Nord et du Nord-Est, fidèles à Thaksin, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui le haïssent.

Des divisions toujours présentes, comme en témoignent la mobilisation de l'opposition contre le clan Thaksin et celle en parallèle des «rouges» qui ont rassemblé 50 000 personnes dimanche en faveur du gouvernement.

Le mouvement de l'opposition est le plus important défi du gouvernement Yingluck depuis son arrivée au pouvoir en 2011.

Mais la Première ministre a exclu lundi de quitter son poste ou de dissoudre le parlement.

Pour accentuer la pression, le Parti démocrate compte sur un débat mardi au Parlement autour d'une motion de défiance qui a toutefois peu de chance de passer, le Puea Thai au pouvoir, malgré sa mauvaise passe, disposant de la majorité.

Au coeur de la colère des manifestants un projet de loi d'amnistie, est largement perçu comme un moyen de permettre le retour de Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. Son rejet par le Sénat n'a pas suffi à les apaiser.

Le mouvement de l'opposition est le plus important défi du gouvernement Yingluck depuis son arrivée au pouvoir en 2011.

«Les manifestants anti-gouvernement réclament le déracinement total du régime Thaksin», a commenté Thitinan Pongsudhirak, de l'Université Chulalongkorn. «Les options de Yingluck sont très limitées. Quelque chose doit changer cette semaine. Il va être très difficile pour Yingluck de rester en poste».

Mais la première ministre a exclu lundi de quitter son poste. À des journalistes qui lui demandaient si elle allait dissoudre le Parlement, ou démissionner, elle a simplement répondu «non».

Pour accentuer la pression, le Parti démocrate compte sur un débat mardi au Parlement autour d'une motion de défiance qui a toutefois peu de chance de passer, le Puea Thai au pouvoir disposant de la majorité.

Ces manifestations interviennent alors que le Puea Thai, largement considéré comme le levier d'action via lequel Thaksin reste au centre de la vie politique malgré son exil, est en mauvaise passe.

Au coeur de la colère des manifestants se trouve une loi d'amnistie largement vue comme un moyen de permettre le retour de Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. Son rejet par le Sénat n'a pas suffi à les apaiser.

PHOTO DAMIR SAGOLJ, REUTERS

Le mouvement de l'opposition est le plus important défi du gouvernement Yingluck depuis son arrivée au pouvoir en 2011.

Washington lance un appel au calme

Les États-Unis ont lancé lundi un appel au calme en Thaïlande au moment où les manifestants réclamant le départ de la première ministre ont accru leur pression de façon spectaculaire en pénétrant dans deux ministères à Bangkok.

Washington est inquiet de la montée des tensions et suit attentivement la situation, a précisé dans un communiqué la porte-parole du département d'État, Jennifer Psaki.

«Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à respecter la loi. La violence ou la violation de propriétés publiques ou privées ne sont pas des moyens acceptables pour résoudre des différends politiques», a-t-elle indiqué.

Les manifestations contre la première ministre Yingluck Shinawatra et son frère Thaksin, l'ancien Premier ministre en exil qui reste au coeur de la politique du royaume, sont les plus importantes à Bangkok depuis la crise de 2010.

«En tant qu'amis de longue date de la Thaïlande, nous soutenons fermement la nation thaïlandaise et son peuple durant cette période», a ajouté Jennifer Psaki.

Washington aimerait à présent voir «toutes les parties travailler ensemble pour apaiser les différences à travers un dialogue pacifique dans le but de renforcer la démocratie».

Les États-Unis ont également enjoint le gouvernement thaïlandais à respecter la liberté de la presse et à assurer la sécurité des journalistes.