Plusieurs arrestations ont eu lieu samedi tandis que les sauveteurs tentaient de dégager des rescapés des gravats d'un immeuble effondré près de Dacca, après la découverte d'une trentaine de survivants de la catastrophe qui a fait plus de 350 morts.

Alors que la plupart des 4500 usines de textile du Bangladesh étaient déjà à l'arrêt en raison de manifestations d'ouvriers en colère, les entrepreneurs de ce secteur ont décrété les journées de samedi et dimanche fériées, et les syndicats ont lancé un appel à la grève pour dimanche afin d'exiger de meilleures conditions de travail.

L'effondrement mercredi matin du Rana Plaza, un immeuble de huit étages construit illégalement à Savar, une banlieue de Dacca, a fait au moins 351 morts, selon la police, et plus de 1200 blessés.

Le bâtiment abritait cinq ateliers de confection travaillant pour des marques occidentales.

Depuis mercredi, 2417 personnes ont pu être sauvées, a indiqué un porte-parole de l'armée. Vingt-neuf ont été extraites des décombres au cours de la journée de samedi.

La catastrophe a aussi fait des centaines de disparus, mais on ne disposait pas samedi d'un chiffre officiel sur ce point. Selon l'association des entreprises de textile du Bangladesh, plus de 3000 personnes étaient employées dans l'immeuble qui s'est effondré.

La police a annoncé l'arrestation de deux propriétaires d'ateliers de confection installés dans le bâtiment ainsi que de deux ingénieurs, et recherche le propriétaire de l'immeuble.

«Nous avons arrêté après minuit Bazlus Samad, le président des ateliers New Wave Buttons et New Wave Style, et Mahmudur Rahaman Tapash, directeur général de l'un de ces ateliers», a déclaré samedi matin à l'AFP le chef adjoint de la police de Dacca, Shyaml Mukherjee.

«La police a lancé contre ces deux personnes une procédure pour homicides dus à la négligence», a-t-il dit, après que le premier ministre Sheikh Hasina eut indiqué que les salariés avaient été forcés à retourner au travail malgré les fissures apparues la veille dans l'immeuble.

Le responsable de l'enquête, Kaiser Matubbor, a indiqué à l'AFP que deux ingénieurs municipaux qui avaient estimé mardi soir que l'immeuble ne présentait pas de danger avaient également été arrêtés et répondraient des mêmes charges.

La police était toujours à la recherche du propriétaire de l'immeuble. Un responsable de l'administration locale, Jahangir Kabir, a déclaré samedi que ce propriétaire s'appelait Sohel Rana, et la police a indiqué qu'il était en fuite.

Les opérations des sauveteurs devenaient de plus en plus difficiles sur le site, où se trouvait une centaine de personnes attendant désespérément des nouvelles d'un proche, mais ils gardaient l'espoir de retrouver encore des rescapés.

«Nous pensons qu'il y a encore des survivants», a déclaré à l'AFP un responsable des pompiers, Ahmed Ali. «Mais ils sont trop faibles pour appeler à l'aide».

«Il y a de nombreux cadavres, mais notre priorité absolue est de trouver les personnes qui pourraient avoir survécu», a indiqué plus tard le chef des opérations des pompiers, Mahbubur Rahman. «Il y a des survivants», a-t-il dit. «Nous les entendons crier faiblement ou parler entre eux».

Les responsables des secours devaient se réunir avec des experts pour décider de l'éventuelle utilisation d'équipement pour l'enlèvement de charges lourdes afin de libérer des survivants qui se seraient retrouvés dans des poches d'air.

Depuis mercredi, les sauveteurs ont seulement utilisé de l'équipement léger, de peur de provoquer de nouveaux effondrements dans les décombres du bâtiment.

Les sauveteurs devaient lutter en outre contre l'épuisement et l'odeur terrible des corps en décomposition, a ajouté Ahmed Ali.

«L'odeur est fétide, cela donne parfois envie de vomir. Il est difficile de travailler ici plus de 20 minutes d'affilée», a témoigné Mohammad Tareq, employé d'un atelier qui s'est joint aux centaines de volontaires à pied d'oeuvre jour et nuit.

Polémique sur les conditions de travail

Des proches de disparus commençaient à s'impatienter devant la lenteur des secours. «Les opérations progressent très lentement. Il y a trop de gens, mais peu de mouvement. S'ils allaient plus vite pour découper le béton, ils pourraient sauver beaucoup de gens», a dit Harunur Rashid, qui attendait depuis mercredi, photos à la main, de savoir ce qui était arrivé à sa tante et à sa belle-soeur.

Il s'agit du pire accident dans l'histoire industrielle du Bangladesh, pays pauvre d'Asie du Sud qui a fait de la confection textile le pivot de son économie.

La catastrophe a relancé la polémique sur les conditions de travail dans ce secteur - qui emploie essentiellement des femmes travaillant pour moins de 40 dollars par mois pour des marques occidentales - et a attisé la colère des ouvriers.

Vendredi, des heurts violents ont opposé la police à une foule immense de manifestants en colère à Savar, où le Rana Plaza s'est effondré comme un château de cartes.

«Ils exigent l'arrestation et l'exécution des propriétaires des ateliers et du bâtiment qui s'est effondré à Savar», près de Dacca, avait expliqué à l'AFP M. Asaduzzaman, un responsable de la police.

Des ouvriers ont attaqué des usines, renversé des véhicules, brûlé des pneus sur la route et essayé de mettre le feu à des échoppes le long du parcours de la manifestation de masse, selon un responsable de la police locale. Ils ont aussi obligé des usines textiles à fermer.

L'immeuble abritait cinq ateliers de confection notamment liés à la marque espagnole Mango et au britannique Primark, seules enseignes à avoir confirmé leurs relations avec des ateliers du Rana Plaza.

Un bâtiment proche du site de la catastrophe a été fermé samedi après l'apparition de fissures dans sa structure, a déclaré à l'AFP Yusuf Harun, un responsable de la municipalité de Dacca.

L'Organisation internationale du travail (OIT) a lancé vendredi un appel aux autorités du Bangladesh et aux partenaires sociaux de ce pays pour qu'ils contribuent à créer des «lieux de travail sûrs».