Les violences religieuses qui secouent la Birmanie se sont déplacées vendredi en Indonésie avec le massacre dans un centre de réfugiés de huit bouddhistes birmans par des compatriotes musulmans se vengeant d'attaques dont ont été victimes leurs coreligionnaires chez eux.

Pris de colère après avoir vu des images des émeutes qui ont opposé musulmans et bouddhistes il y a environ deux semaines en Birmanie, une vingtaine de musulmans réfugiés dans le centre de rétention administrative de Medan, sur l'île indonésienne de Sumatra (nord-ouest), s'en sont pris aux 11 bouddhistes birmans qu'abrite également le centre, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police provinciale, Heru Raden Prakoso.

Les musulmans ont alors attaqué les bouddhistes, en tuant huit, dans la nuit de jeudi à vendredi, a-t-il précisé.

«Les corps étaient en sang, comme après avoir été battus, torturés à mort à l'aide d'objets contondants. Les hommes se sont servis de bouts de bois provenant de sommiers et de manches à balai», a précisé Rida Agustian, un des policiers chargés de la surveillance du centre de Belawan.

La cellule où a eu lieu la tuerie était «couverte de sang, sur les murs et par terre», a-t-il témoigné.

Interrogé par l'AFP, un des trois bouddhistes survivants a évoqué sa terreur. «Nous étions effrayés. Nous demandons au gouvernement indonésien de nous renvoyer immédiatement en Birmanie», a déclaré Kyawkyaw, qui ne porte qu'un nom.

Les violences ont éclaté après que les musulmans ont vu des photos des violences en Birmanie opposant leur communauté à des bouddhistes, qui ont fait 43 morts du 20 au 22 mars, a indiqué le directeur de la police locale, Endro Kiswanto.

«Ils ont vu des images des violences en Birmanie, dont des bâtiments en feu. Nous croyons que c'est à ce moment-là que les heurts ont éclaté», a-t-il expliqué.

Les 11 bouddhistes étaient les seuls non-musulmans parmi les 117 réfugiés et immigrés clandestins birmans que compte le centre. Ils avaient été arrêtés il y un an pour pêche illégale dans les eaux indonésiennes. Il ne leur restait plus qu'un mois à purger.

«Il ne s'agit pas d'une altercation, mais d'un passage à tabac», a estimé Yusuf Umardani, responsable du centre de détention.

Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a dit «regretter» les incidents, appelant Jakarta à «éviter de nouvelles violences».

Les musulmans réfugiés au centre de Medan font partie de la communauté Rohingya, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète.

Au nombre de 800 000 environ, les Rohingyas vivent confinés en État Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie où, en 2012, des affrontements avec les bouddhistes avaient fait plus de 180 morts et 125 000 déplacés.

Fuyant les violences, plus de 13 000 Rohingyas ont pris la mer en 2012 de Birmanie et du Bangladesh, selon les Nations unies. Mais la Thaïlande voisine a récemment indiqué qu'elle n'accepterait plus de réfugiés birmans après en avoir déjà recueilli près de 6000 ces derniers mois, poussant les Rohingyas à trouver de plus en plus refuge en Indonésie.

Ils sont actuellement des centaines à avoir trouvé refuge dans l'archipel, pays musulman le plus peuplé de la planète, et en particulier sur l'île de Sumatra, qui pratique un islam rigoureux.

Les violences religieuses jettent une lumière crue sur les tensions persistantes entre bouddhistes et musulmans en Birmanie, ternissant l'image d'un pays qui a su sortir de l'état de paria grâce à une série d'audacieuses réformes depuis le départ de la junte militaire.