L'armée birmane, qui a repris samedi le contrôle de la ville de Meiktila après trois jours de violences entre bouddhistes et musulmans, a découvert 21 corps supplémentaires, ce qui porte le bilan provisoire des émeutes à 32 morts.

En vertu de l'état d'urgence décrété vendredi, une cinquantaine de camions militaires ont été dépêchés dans cette bourgade située à 130 km de la capitale Naypyidaw afin d'y rétablir l'ordre.

Et leur journée aura été particulièrement macabre. «Une fois la stabilité et la paix restaurées dans la région par les forces de sécurité, 21 corps supplémentaires ont été découverts dans les décombres», a déclaré le ministère de l'Information dans un communiqué posté sur son site internet.

«Ces cadavres ont été complètement détruits et ne permettent pas une identification par le nom, l'ethnie ou la religion», a-t-il précisé.

Le nouveau bilan s'établissait donc à 32 morts, en comptant les onze morts déjà enregistrés dans la presse officielle, a confirmé un responsable sous couvert de l'anonymat. Il a précisé que ce chiffre n'était pas définitif.

Par ailleurs, un total de 8800 personnes se sont réfugiées dans des lieux sûrs, notamment les écoles et les monastères. «Les autorités locales ramènent chez eux ceux qui veulent rentrer en toute sécurité», selon le ministère.

Plusieurs centaines de personnes ont notamment été rassemblées sur le terrain de sport communal, sous des toiles blanches montées de bric et de broc.

«La plupart d'entre nous veulent rentrer chez eux si l'armée ramène la paix», a indiqué l'un d'eux à l'AFP en début de journée. «C'est bien que les soldats soient en ville. Ils peuvent nous apporter la stabilité».

Pendant trois jours, des quartiers entiers et plusieurs mosquées sont partis en fumée tandis des corps calcinés restaient dans la rue. Des violences qui soulignent une tension croissante entre bouddhistes et musulmans, et qui posent un défi majeur au régime réformateur au pouvoir depuis le départ de la junte militaire il y a deux ans.

L'Union européenne a appelé les autorités «à protéger les civils» et à enquêter sur ces événements, dans un communiqué du bureau de sa responsable de la diplomatie Catherine Ashton, encourageant «en particulier les leaders communautaires et religieux à appeler à la fin des violences».

Le chef de l'État birman, l'ancien général Thein Sein, est crédité du mouvement de réformes qui a emporté le pays dans un tourbillon d'espoir depuis deux ans.

Mais sa gestion de ces violences est contestée, certaines organisations comme Human Rights Watch accusant les forces de sécurité de passivité, voire de complicité. Une commission d'enquête a été mise en place.

Kyaw Kyaw, un responsable religieux musulman de 27 ans, qui vit à Meiktila depuis son enfance, a expliqué à l'AFP que des moines bouddhistes et des résidents l'avaient aidé à fuir.

«Nous n'avons rien pu prendre quand nous avons quitté les maisons. Nous avons dû fuir pour sauver notre peau», a-t-il dit, avouant ne rien comprendre à ces assauts de haine.

«Nous sommes des humains nous aussi... Nous avons vécu avec les bouddhistes pendant des années. Je suis très choqué», a-t-il souligné.

L'état d'urgence, qui donne aux militaires des pouvoirs étendus, s'était déjà révélé nécessaire l'an passé dans l'État de Rakhine (ouest), où des affrontements entre bouddhistes de l'ethnie rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas avaient fait plus de 180 morts et 115 000 déplacés.

Ces violences mettent en lumière un racisme profondément inscrit dans la société, dont une frange importante considère le bouddhisme comme indissociable de l'appartenance à la nation birmane.

Les musulmans représentent officiellement 4% des 60 millions de Birmans, mais aucun recensement n'a été mené dans le pays depuis 30 ans. Beaucoup sont d'origine indienne, chinoise ou bangladaise, installés de longue date dans le pays.