Le dirigeant conservateur japonais Shinzo Abe a été élu mercredi Premier ministre, suite à la victoire de son Parti Libéral-Démocrate (PLD) aux législatives il y a dix jours, prenant la tête d'un pays en récession auquel il entend redonner le moral.

«Je veux produire des résultats dès que possible», a-t-il d'emblée déclaré lors d'une conférence de presse.

Et d'assurer que l'ensemble du gouvernement allait travailler de toutes ses forces pour «le redressement économique et la reconstruction» du nord-est dévasté par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011.

«C'est un gouvernement constitué pour surmonter la crise», a-t-il martelé.

M. Abe, qui occupa déjà le poste de chef du gouvernement une petite année (2006-2007), succède à Yoshihiko Noda, du Parti Démocrate du Japon (PDJ, centre-gauche), un retour qui met fin pour le PLD à une période d'opposition d'une durée inédite de trois ans.

Mais, que ce soit en matière économique ou de diplomatie, les marges de manoeuvre du septième Premier ministre du Japon en sept ans risquent d'être bien étroites.

Shinzo Abe a certes gagné, mais son camp est conscient de la fragilité de cette victoire: l'abstention a atteint quelque 40%, un record depuis la dernière guerre, et les Japonais ont plus sanctionné le pouvoir de centre-gauche sortant qu'accordé une adhésion franche et massive au PLD.

Avouant ressentir la sévérité du regard des citoyens, M. Abe affirme cependant qu'il a gagné de nouvelles capacités depuis sa première expérience de Premier ministre.

Malgré un score qui n'a finalement rien d'exceptionnel (environ 28% des suffrages pour les sièges à la proportionnelle et 43% pour ceux au scrutin uninominal), Shinzo Abe pourra tout de même s'appuyer sur la majorité absolue du PLD à la chambre basse du Parlement, avec en prime une majorité qualifiée des deux tiers avec son allié du Nouveau Komeito.

S'il veut avoir les coudées vraiment franches, il lui faudra encore conquérir la majorité au Sénat l'été prochain, pour ne pas subir le «calvaire législatif» enduré par le PDJ durant trois ans.

Bien que durant sa campagne M. Abe ait surtout mis en avant son profil d'homme de droite et d'inflexible nationaliste, notamment en matière de politique étrangère, il arrive avec une autre priorité: l'économie.

«Sans une économie forte, pas d'assainissement des Finances possible ni d'avenir pour le Japon», a-t-il insisté, en indiquant qu'un important budget serait mis en oeuvre rapidement pour aider le pays à lutter contre la déflation et la cherté du yen.

Écrasé par une dette publique de près de 240% (deux fois celle de la Grèce en pourcentage), le Japon est en récession, victime d'une conjoncture internationale morose et d'une monnaie nationale trop forte.

Pour enrayer la lente descente de la troisième puissance économique du monde, M. Abe compte reprendre les recettes classiques de la droite nippone: grands travaux, planche à billet et emprunts à tout-va.

Une première rallonge budgétaire de quelque 100 milliards d'euros est prévue rapidement, afin notamment d'accélérer la reconstruction du nord-est dévasté par le tsunami de mars 2011 et de restaurer des infrastructures publiques vieillissantes.

Abe compte aussi prendre d'assaut la citadelle de la Banque centrale du Japon afin de la forcer à ouvrir ses coffres pour favoriser la relance et mettre fin à la déflation dans laquelle le pays est englué depuis plus de trois ans.

Pour redresser l'économie, le faucon Abe sait aussi qu'il ne pourra pas se passer de ses voisins et clients, à commencer par la Chine avec laquelle les échanges commerciaux ont dépassé 340 milliards de dollars en 2011. Mais les relations ont tourné à l'aigre depuis quatre mois à cause d'un conflit territorial en mer de Chine Orientale. Pékin clame vigoureusement sa souveraineté sur les îles Diaoyu, tandis que Tokyo, qui les administre sous le nom de Senkaku, n'entend pas en céder un pouce. Encore moins avec Shinzo Abe aux manettes.

Au nom de la realpolitik, Shinzo Abe a décidé d'envoyer des émissaires à Pékin ainsi qu'en Corée du Sud, pays avec lequel Tokyo a également un conflit territorial.

Juste après son élection, Pékin s'est dit «prêt à travailler» avec M. Abe en espérant que Tokyo fera «des efforts concrets» pour améliorer les relations bilatérales. La porte-parole chinoise, Hua Chunying, n'en a pas moins réitéré la souveraineté de Pékin sur l'archipel de la discorde.

M. Abe entend aussi renouer les liens distendus par le PDJ avec l'allié américain, car «l'alliance Japon-USA est le fondement de la diplomatie japonaise».

Dernier paradoxe que Shinzo Abe devra habilement gérer: il prend la direction d'un pays majoritairement hostile au nucléaire depuis l'accident de Fukushima, alors qu'il serait plutôt enclin à oublier l'option zéro nucléaire de ses prédécesseurs et à redémarrer certains réacteurs à l'arrêt.

«Nous déciderons dans les trois ans de la relance des réacteurs sur la base des règles de sûreté plus sévères définies par l'agence de régulation», a-t-il promis.