Le général Park Chung-hee a régné sur la Corée du Sud de 1961 à 1979. Il a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'État et a été assassiné par son espion en chef. Plus de 30 ans après sa disparition, il est de retour au centre de l'échiquier politique, puisque sa fille Park Geun-hye pourrait fort bien devenir la première présidente coréenne.

Mme Park, qui a échappé par moins de 4 % la nomination à la présidentielle de 2007, bénéficie de la division de la gauche. Mais elle doit aussi composer avec son héritage paternel: le général Park a propulsé le pays de la pauvreté à la modernité, mais a réprimé dans le sang toute opposition politique.

Vote générationnel

«Pour les plus de 60 ans, être la fille de Park est un avantage à cause de la croissance économique», explique Daniel Tudor, correspondant de The Economist à Séoul, qui vient également de publier le livre Korea, The Impossible Country. «Mais pour les plus jeunes, particulièrement ceux qui ont manifesté contre la dictature quand ils étaient étudiants, le fait que la fille de Park devienne présidente est un anathème.»

Un autre candidat a la faveur des jeunes adultes, ceux qui n'ont jamais connu la dictature: Ahn Chul-soo, entrepreneur qui a fait fortune avec des antivirus. Le hic: cet indépendant s'est retiré de la course la semaine dernière.

«Il était dégoûté des attaques du candidat de gauche, Moon Jae-in, qui mettait beaucoup de pression pour qu'il y ait un candidat unique pour contrer Park, explique M. Tudor. Mais il n'a presque rien dit depuis sa courte conférence de presse. Les jeunes croient que le camp Moon a fait des manoeuvres douteuses pour le convaincre de laisser la place à [son candidat]. Si Ahn ne sort pas de son mutisme pour faire publiquement campagne pour Moon, les jeunes s'abstiendront peut-être de voter. Et Park sera élue.»

Conglomérats

Moon était un bras droit des deux présidents de gauche du tournant du millénaire. Il veut revenir à des relations plus cordiales avec la Corée du Nord.

«Le problème, c'est que le Nord n'est pas un grand sujet d'inquiétude au Sud, dit M. Tudor. Les gens s'inquiètent de l'économie, de la toute-puissance des grands conglomérats, les chaebols, qui étouffent les PME. Et, sur ce point, Park est bien placée pour faire avaler des réformes aux chaebols. C'est son père qui les a lancés, et son parti a toujours gardé de bonnes relations avec les chaebols. C'est un peu comme pour les négociations avec les syndicats en Occident: la gauche est toujours mieux placée pour mettre en place des réformes sans qu'il y ait de grandes confrontations sociales.»

Selon l'institut économique Wipyengnyang, les 30 plus importants chaebols sud-coréens ont un chiffre d'affaires équivalent au produit national brut (PNB) du pays. À eux seuls, les cinq plus importants ont des ventes totalisant la moitié du PNB sud-coréen. À titre de comparaison, les cinq plus importantes entreprises canadiennes ont un chiffre d'affaires correspondant à 10 % du PNB.

Le favori de Pyongyang

Une «hypocrite» à la tête d'un parti de «conservateurs obsolètes». C'est ainsi que la propagande nord-coréenne décrit la candidate de droite Park Geun-hye.

L'Agence nationale de presse nord-coréenne KCNA l'a jugée inacceptable pour la dictature de son père et parce qu'elle a expliqué le coup d'État de 1961 par «la menace d'invasion par la Corée du Nord».

«C'est une distorsion des faits historiques», affirme KCNA, qui explique que les troubles politiques qui ont conduit à la dictature du général Park étaient causés par «le fort désir de réunification pacifique au nord et au sud».

Des analystes sud-coréens ont relevé que le candidat de gauche, Moon Jae-in, faisait partie d'une délégation sud-coréenne qui a accepté de remettre en question la frontière maritime entre les deux Corées; celle-ci est décriée par le Nord parce qu'elle est basée sur la situation militaire lors de l'armistice de 1953, alors que la domination navale américaine était totale en mer Jaune.