Tout d'abord, il a posé un lapin à Hillary Clinton, la secrétaire d'État américaine. Ensuite, ce fut le tour du premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong. Et lundi dernier, la première ministre danoise, Helle Thorning-Schmidt, a elle aussi vu l'annulation de son rendez-vous avec le futur président chinois, Xi Jinping.

Cette absence de M. Xi des feux de la rampe fait jaser les sinologues. Les rumeurs vont d'un tendon étiré lors d'une séance de natation à un attentat par un soldat à la solde d'un ennemi politique, en passant par un accident de voiture ou de soccer et une crise cardiaque.

Un commentaire attribué à M. Xi, hier dans un reportage télévisé sur un révolutionnaire récemment mort, Huang Rong, n'a pas réussi à arrêter le moulin. Après l'annulation d'un point de presse photographique annoncé avec M. Xi et Mme Thorning-Schmidt, lundi, un responsable du ministère chinois des Affaires étrangères a nié que ce point de presse était prévu.

Il faut dire que son absence médiatique de 11 jours survient quelques mois après que Bo Xilai, qui dirigeait la méga cité de Chongqing, a été écarté du pouvoir en catimini et sa femme accusée du meurtre d'un homme d'affaires britanniques. M. Bo faisait partie d'une faction opposée à celle de M. Xi dans les hautes instances du Parti communiste chinois.

«Le PCC n'a pas l'habitude de donner des informations sur l'État de santé de ses dirigeants», explique Greer Meisels, politologue au groupe de réflexion Center for the National Interest à Washington, en entrevue avec La Presse. « En 1993, le premier ministre Li Peng a disparu pendant sept semaines, probablement à cause d'une crise cardiaque, et on n'a jamais su le fin fond de l'affaire. L'an dernier, il a fallu une rumeur que l'ancien président Jiang Zemin était mort pour que le PCC fasse un démenti. Les dirigeants de la Chine ont sûrement des cancers et des crises cardiaques, comme tout le monde, mais on n'en sait jamais rien.»

Le problème, c'est que le processus de succession du PCC est si opaque qu'on ignore qui deviendrait président en cas de réelle maladie grave de Xi Jinping. «On ne sait même pas quand exactement aura lieu le congrès de cet automne où l'accession à la présidence de Xi aura lieu, dit Mme Meisels. On ignore même combien de membres aura le comité restreint du Politburo qui l'assistera, neuf membres comme maintenant ou sept comme par le passé. Si Xi manque une occasion importante, comme la Fête nationale du 1er octobre, je commencerais à m'inquiéter. «

Une sinologue australienne, Linda Jakobson de l'Institut Lowy pour la politique internationale de Sydney, a lancé un appel au calme sur le blogue de son centre: au moins deux rencontres de haut niveau à l'étranger ont eu lieu durant la «disparition» de M. Xi, le président Hu Jintao se rendant notamment au forum de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Vladivostok. «En temps de crise, les leaders du PCC convergent vers Pékin», affirme Mme Jakobson.

L'affaire marque un changement important, mais pas en Chine. «Ce qui est intéressant, c'est de voir que pour la première fois, le peuple américain s'intéresse de près à la politique intérieure chinoise, dit Mme Meisels. Ce n'était pas le cas auparavant, et c'est d'autant plus remarquable que nous sommes en plein dans l'élection présidentielle.»