Le dernier réacteur encore actif au Japon a arrêté de produire samedi, un peu plus d'un an après l'accident nucléaire de Fukushima qui a forcé les autorités à prendre de nouvelles précautions et oblige à repenser la politique énergétique pour les prochaines décennies.

Sur un parc de 50 unités, plus aucune ne sera en service à partir de dimanche, la dernière encore en marche, Tomari 3 (nord), étant entrée samedi en processus d'extinction pour maintenance. La production d'électricité a été coupée et le processus d'«arrêt à froid» du réacteur devrait intervenir lundi.

De nombreuses autres tranches, arrêtées aussi pour entretien obligatoire après 13 mois de fonctionnement en continu, n'ont pu redémarrer jusqu'à présent: les autorités veulent au préalable leur faire passer des tests de résistance et obtenir l'aval des élus locaux.

Au moment de l'accident de Fukushima, survenu le 11 mars 2011 à la suite du séisme et du tsunami qui ont dévasté le nord-est de l'archipel, 37 réacteurs étaient en fonction, les autres étant alors inactifs, principalement pour maintenance.

Onze unités du nord-est ont été stoppées par la catastrophe, puis deux autres, dans le centre, mises à l'arrêt en raison de faiblesses face aux risques sismiques.

Depuis, les dernières ont été suspendues pour respecter les cycles d'entretien.

Le gouvernement plaide désormais pour la relance des réacteurs qui ont réussi les examens de résistance aux catastrophes naturelles et répondent aux nouvelles règles, mais les élus locaux, dont l'accord est nécessaire, hésitent à prendre cette responsabilité face à des citoyens méfiants.

Les industriels militent également pour le redémarrage, menaçant sans cela de déplacer des sites de production à l'étranger.

Pour compenser l'absence d'énergie nucléaire, les compagnies d'électricité ont dopé ou remis en marche des centrales thermiques et exigent des sociétés et particuliers une réduction de consommation.

Bien qu'aucune interruption massive de courant n'ait eu lieu jusqu'à présent en dépit de la baisse de production, le mode d'approvisionnement actuel n'est satisfaisant pour personne: ni pour les clients, qui doivent limiter leur activité et risquent de voir les tarifs augmenter, ni pour les compagnies, dont la facture d'hydrocarbures grimpe en flèche, ni pour le pays dont la dépendance énergétique s'accroît vis-à-vis de l'étranger, ni pour la planète du fait d'une augmentation des rejets de dioxyde de carbone (CO2).

Pour autant, le gouvernement est conscient que la politique énergétique antérieure est caduque: elle était basée sur une augmentation de la part du nucléaire à plus de 50% de l'électricité en 2030, contre 30% environ avant le désastre de Fukushima, ce qui est devenu inadmissible pour les citoyens nippons.

Le premier ministre au moment de l'accident, Naoto Kan, avait carrément plaidé pour l'abandon de l'énergie atomique. Son successeur, Yoshihiko Noda, a juste proposé une réduction de la part du nucléaire, via notamment le non-remplacement des réacteurs en fin de vie.

«La situation concernant la production d'électricité est sérieuse, mais nous ne pouvons pas sacrifier la sécurité. Nous devons faire face à la réalité avec détermination», a déclaré aux journalistes le ministre du nucléaire Goshi Hosono.

La population espère en majorité la suppression des centrales atomiques sur le sol japonais, mais seulement une minorité exige un arrêt immédiat.

Les plus farouches opposants, parmi lesquels l'écrivain prix Nobel Kenzaburo Oe, tentent de mobiliser afin de forcer les autorités à décréter l'abandon pur et simple de l'atome.

Plus de 5.000 personnes ont ainsi défilé samedi dans le centre de Tokyo en arborant des banderoles proclamant «Adieu, énergie nucléaire !».

«Nous devons agir tout de suite pour que Fukushima soit le dernier accident nucléaire, non seulement au Japon, mais dans le monde», a expliqué à l'AFP la dirigeante du Parti social-démocrate, Mizuho Fukushima, pendant la manifestation.

L'ONG Greenpeace presse les autorités de se concentrer sur l'amélioration de l'efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, qui pourraient figurer en meilleure place dans le nouveau plan énergétique promis par le gouvernement pour cet été.

En attendant, les compagnies d'électricité risquent de souffrir de pénurie lors des pics de consommation estivaux et pourraient devoir programmer des coupures ciblées, afin de réguler la distribution et éviter une panne de grande ampleur.