Les visiteurs affluent au studio pékinois d'Ai Weiwei, certains n'hésitant pas à faire plusieurs milliers de kilomètres, afin de lui donner de l'argent pour faire face à une énorme amende du fisc chinois, a expliqué mercredi l'artiste dissident à l'AFP.

Depuis vendredi dernier, le plasticien, sommé par le fisc de verser 15 millions de yuans (2,4 millions de dollars) d'ici au 15 novembre, a vu affluer les fonds et les visiteurs.

«Je suis très surpris, les gens disent que les Chinois ne sont jamais vraiment soudés, mais dans un cas comme celui-ci, où je suis censé être une personne qui viole la loi, il y a beaucoup de soutiens», s'étonne Ai.

La campagne en faveur de celui qui n'a jamais ménagé ses critiques au régime communiste gagne de l'ampleur de jour en jour -ce qui n'avait certainement pas été prévu par les autorités chinoises.

L'artiste touche-à-tout avait annoncé la semaine dernière à l'AFP avoir reçu une mise en demeure de régler au fisc cet impôt «inique», destiné à le «briser», après sa mise au secret de 81 jours au printemps.

Mercredi, il expliquait que du matin au soir on affluait à son studio.

«Des gens sont venus du Hebei (nord), de Hainan (île méridionale à 3000 km de Pékin, ndlr) et du Fujian (sud-est) -toutes sortes de gens, de l'étudiant à l'homme d'affaires», venus «exprimer leur solidarité», a dit Ai à l'AFP.

Ceux qui n'ont pas beaucoup d'argent donnent un seul yuan (16 cents), explique Ai Weiwei. «Ils veulent dire aux autorités qu'ils sont venus ici pour (apporter) leur soutien, pas pour l'argent», dit l'artiste de 54 ans.

En attendant, mercredi en mi-journée, une assistante d'Ai Weiwei, Liu Yanping, a indiqué sur son compte de microblogue que 24 000 dons avaient permis de récolter 6,6 millions de yuans (1 022 969$).

Des jeunes assistants étaient occupés dans le studio à trier chèques et mandats et à enregistrer les montants sur ordinateur, a constaté un photographe de l'AFP.

Les fonds arrivaient aussi par transferts électroniques, virements bancaires ou plus simplement sous forme de billets roulés en boule et jetés par dessus les murs de l'enceinte du studio pour atterrir dans la cour.

Des sympathisants d'Ai avaient apporté des bouquets de fleurs et attendaient l'artiste dans son studio, certains prenaient les lieux en photo avec leur téléphone portable.

Le plasticien barbu, vêtu d'une longue chemise bleu foncé, allait et venait et prenait la pause de temps en temps pour des photos dans la cour animée de son studio.

Un homme était vêtu d'un sweat-shirt marron sur lequel on pouvait lire: «Allons à la recherche de la liberté».

Ai a toujours nié avoir fraudé le fisc depuis la fin de sa détention en juin et l'ouverture d'une enquête des services fiscaux chinois.

L'artiste avait été arrêté en avril alors qu'il allait embarquer à l'aéroport de Pékin, à un moment où le régime communiste avait encore resserré l'étau autour des dissidents par crainte d'une contagion des révoltes populaires du Printemps arabe.

Liu Yanping, qui travaille avec Ai, a indiqué à l'AFP que les soutiens ne faiblissaient pas, au contraire.

«Normalement, on ouvre le bureau à 9h le matin, mais il y a déjà des gens ici à 8h, et jusqu'à 10h du soir».

L'artiste, dont les oeuvres se vendent très bien dans le monde, a promis qu'il rembourserait les donateurs, dont certains sont des dissidents connus.

«Je n'ai pas besoin d'argent», a-t-il dit, «ce dont j'ai besoin c'est du soutien moral de chacun».

Ai a expliqué que sa mère allait hypothéquer la maison familiale pour l'aider à payer l'amende, et s'est dit confiant de pouvoir la payer d'ici mardi.

Le quotidien officiel Global Times avait laissé entendre lundi qu'il pourrait être accusé de «levée de fonds illégale».

Et mercredi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei, a déclaré que «rien ne peut changer le fait que Ai Weiwei a massivement fraudé le fisc».