Les autorités de Bangkok ont avoué mardi une certaine impuissance à venir en aide aux habitants des quartiers périphériques noyés depuis plus d'une semaine sous des eaux crasseuses, évoquant l'impérieuse nécessité de préserver le centre-ville, pilier de l'économie du pays.

Les déclarations optimistes abondent sur la capacité de la mégalopole à protéger ses centres commerciaux, hôtels de luxe, grandes artères et autre quartier financier, où murs de briques et sacs de sable se sont multipliés.

En revanche, plusieurs districts, dans le nord de la ville et le long du fleuve Chao Phraya, survivent dans de sombres masses d'eaux polluées venues des plaines centrales du pays, après une mousson surabondante et qui charrient de la boue et des détritus.

Alors que la facture des inondations se compte déjà en milliards de dollars, le pouvoir a choisi d'épargner le centre stratégique de la mégalopole.

«Bangkok, c'est le coeur. Vous pouvez vous couper la main mais il faut sauver votre coeur, parce que s'il s'arrête, tout s'arrête», a justifié Jate Sopitpongstorn, porte-parole de la municipalité.

Le débat est devenu omniprésent au sommet du pouvoir. Lundi, la première ministre Yingluck Shinawatra a cédé à la pression d'habitants du nord de la ville en faisant ouvrir des écluses pour réduire le niveau d'eau de leurs quartiers.

Une décision que le gouverneur de Bangkok, Sukhumbhand Paribatra, a jugée dangereuse pour certaines zones industrielles.

«Nous devons discuter et trouver une position commune» sur les volumes d'eau libérés quotidiennement vers la mer, a-t-il déclaré mardi, confirmant des relations toujours délicates entre les deux adversaires politiques.

«J'aime le peuple, comme n'importe quel homme politique élu, mais je dois être ferme face aux demandes de la minorité pour le bien de la majorité», a-t-il déclaré. «Je ne peux pas céder à toutes les demandes».

À l'ouest du fleuve, à un quart d'heure en voiture d'un centre-ville où les gens ne changent rien à leurs habitudes, des journalistes de l'AFP ont rencontré des populations souvent souriantes, mais totalement démunies. Seules face à la pénurie, la maladie, parfois la mort.

«Personne ne vient jusqu'ici», a assuré à l'AFP Pailin Sontana, 58 ans, avec de l'eau jusqu'à la taille. «Nous avons encore à manger parce qu'on a fait des réserves», a-t-il ajouté. «Je veux que le gouvernement vienne s'occuper de nous».

Plus au nord de la ville, quelques centaines de personnes ont réclamé lundi une évacuation plus rapide de l'eau, accusant les autorités de les sacrifier.

Et le Centre de coordination des secours (FROC) a dû demander l'aide de l'armée dans les zones où les habitants ouvraient des brèches dans les digues de leur propre initiative.

Le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) a qualifié de «critique» la situation dans les zones inondées. Mais les sinistrés rechignent souvent à quitter leurs maisons et sont parfois de facto inaccessibles aux camions militaires.

«Il est impossible pour les autorités de la ville de servir tout le monde partout», a insisté à cet égard le porte-parole de Bangkok.

«Nous disposons d'un nombre limité de véhicules militaires et de bateaux et nous ne pouvons entrer dans toutes les ruelles pour distribuer eau et nourriture trois fois par jour».

Les habitants «doivent savoir où la nourriture est disponible et venir la chercher», a-t-il ajouté.

Mardi, le dernier bilan faisait état d'au moins 384 morts.

L'inflation a légèrement augmenté en octobre, marquée par la pénurie de certains produits de base. Le gouvernement a présenté un plan de réhabilitation des zones industrielles. Mais il a admis qu'il faudrait peut-être attendre trois mois pour retrouver un pays parfaitement normal.