Almazbek Atambaïev, vainqueur probable de la présidentielle kirghize, s'est illustré pendant toute sa carrière par son pragmatisme et sa recherche du compromis dans un pays meurtri depuis 2005 par deux révolutions et des violences ethniques.

Né en 1956 dans le village d'Arachan, dans le Nord du Kirghizstan d'où est traditionnellement issue l'élite de cette ancienne république soviétique, M. Atambaïev fonde le Parti social-démocrate en 1995, année où il est élu pour la première fois au Parlement, après avoir fait fortune dans les privatisations de l'industrie soviétique dans les années 1990.

«Il est démocrate, capable de déléguer. Il n'y aura pas de changements fondamentaux pendant sa présidence, la vie politique sera calme et molle», prédit le politologue indépendant Ouran Tchekirbaïev.

Candidat malheureux à la présidentielle de 2000 remportée par Askar Akaïev, à laquelle il ne recueille que 6% des voix, l'opposant Atambaïev a pourtant joué un rôle central dans les deux soulèvements de la dernière décennie au Kirghizstan.

En 2005, il participe à la révolution dite «des tulipes», qui renverse le président Akaïev, accusé par ses détracteurs de corruption et dérive autoritaire.

M. Atambaïev entre alors au gouvernement du nouveau président, Kourmanbek Bakiev, comme ministre du Développement économique, avant d'être nommé Premier ministre.

En tant que chef du gouvernement (2006-2007), il tente de contenir la dérive autoritaire de M. Bakiev et milite pour l'adoption d'une Constitution limitant les pouvoirs présidentiels.

Considéré alors comme un opposant modéré au chef de l'Etat, il affirme avoir été victime en mai 2007 d'un empoisonnement dans son bureau. Il se fera soigner en Turquie, mais les services spéciaux kirghiz rejettent cette thèse.

Militant pour l'instauration d'une démocratie parlementaire au Kirghizstan, M. Atambaïev est finalement limogé par M. Bakiev, qui élargit dans la foulée ses prérogatives et obtient, après des législatives controversées, un Parlement à ses ordres.

En 2009, M. Atambaïev rassemble l'opposition autour de lui pour contester la présidence à Kourmanbek Bakiev lors de la présidentielle de 2009. Mais la vieille du scrutin, il se retire pour dénoncer une élection truquée.

En avril 2010, il fait partie de la frange modérée de l'alliance hétéroclite de révolutionnaires qui renverse M. Bakiev, et revient au pouvoir dans l'équipe de Rosa Otounbaïeva, qui prend la tête du gouvernement provisoire.

Élu au Parlement aux législatives d'octobre 2010, où sa formation n'arrive qu'en deuxième position derrière les nationalistes du parti Ata-Jourt, M. Atambaïev parvient néanmoins à construire une coalition pour gouverner.

Investi Premier ministre pour la seconde fois de sa carrière, il s'illustre par son pragmatisme et son goût pour le compromis, dans un pays où les forces politiques sont promptes à organiser des manifestations de rues.

Les gens qui le connaissent apprécient sa propension à venir en aide à ses partisans en difficulté, mais critiquent son caractère émotif.

«Il est trop coléreux et peut insulter publiquement ses adversaires. Un président doit être plus équilibré», souligne une philologue, Maïram Kassymova, 74 ans. «Mais c'est un homme bien et étant lui-même écrivain, il aide le Fonds littéraire».

Sur la scène européenne, M. Atambaïev rassure ses partenaires. Il est ainsi apprécié de Moscou-- où il rencontre son homologue Vladimir Poutine en mars dernier--, et des Occidentaux, en particulier les Etats-Unis qui disposent d'une base militaire au Kirghizstan, essentielle au déploiement des troupes sur le terrain afghan.