Une nouvelle loi saluée par l'opposition et par l'ONU permet désormais aux Birmans de se syndiquer et de faire grève, un droit qui devrait pourtant prendre du temps à entrer dans les moeurs dans un pays où le militantisme syndical pouvait jusqu'ici conduire en prison.

Le texte voté récemment par les deux chambres du parlement, qui abolit la loi sur les syndicats de 1962 et constitue un nouveau signe d'ouverture du régime, est entré en vigueur après sa signature mardi par le président Thein Sein, ont indiqué vendredi des responsables birmans à l'AFP.

Les travailleurs, à l'exception des militaires et des policiers, peuvent à présent créer des syndicats d'un minimum de 30 membres, avec un nom et un logo.

Ils peuvent également organiser une grève avec un préavis de 14 jours, en précisant notamment le nombre de participants. Est cependant exclu de tout arrêt de travail le personnel de secteurs jugés essentiels (distribution de l'eau et de l'électricité, services de santé, télécommunications, pompiers).

La loi permet aussi d'empêcher la fermeture des lieux de travail. En cas de non-respect des règles, un employeur est passible de 100 000 kyats (125 dollars) d'amende et un an de prison, et un employé de 30 000 kyats (38 dollars) d'amende.

«Nous ne pouvons pas dire que tout soit bien dans la nouvelle loi, mais nous devons la saluer», a estimé Nyan Win, avocat et porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), parti dissous de l'opposante Aung San Suu Kyi.

La Force démocratique nationale (NDF), parti d'opposition représenté au parlement, a également salué cette avancée législative. «Si nous trouvons des défauts dans la loi à l'avenir, nous soumettrons des amendements» au parlement, a commenté son dirigeant Khin Maung Swe.

Très active en Birmanie, où elle milite notamment contre le travail forcé, l'Organisation internationale du travail (OIT) qualifie le texte «d'avancée majeure» tout en soulignant ne l'avoir pas encore étudié en détail.

«C'est un facteur important en terme de développement social et économique du pays», a ajouté son responsable en Birmanie, Steve Marshall, saluant l'introduction d'un texte sur «le dialogue et la négociation».

Mais après un demi-siècle de régime militaire, les mentalités n'évolueront que lentement. «C'est une nouvelle approche et une nouvelle culture», a reconnu l'expert onusien.

Le gouvernement civil, au pouvoir depuis mars, a certes multiplié les gestes symboliques, en rupture avec le conservatisme répressif du généralissime Than Shwe, chef de la junte au pouvoir à partir de 1992, aujourd'hui à la retraite.

Mais un retour en arrière ne peut être exclu. Et au texte devra s'ajouter une véritable volonté politique, a souligné Sean Turnell, spécialiste de la Birmanie à l'Université Macquarie de Sydney.

«Sur le papier, la Birmanie a de nombreuses bonnes lois sur l'environnement, les droits de l'homme et autres, mais sous l'ancien régime militaire, elles n'avaient jamais été appliquées», a-t-il relevé.

Mercredi, environ 200 des quelque 2000 prisonniers politiques ont été libérés dans le cadre d'une vaste amnistie. Seuls quelques militants syndicaux en ont bénéficié, les autres sont restés derrière les barreaux.

«Certaines personnes auront peur» de faire grève, a convenu Steve Marshall.

Les travailleurs devront être «convaincus» d'un changement sincère du régime, a renchéri Turnell. Pour un travailleur birman, «ce serait un bond énorme de soudain se dire «oh, maintenant j'ai le droit de faire grève»».