Les deux principaux partis qui s'opposent lors des législatives thaïlandaises ont tenté samedi une dernière fois de convaincre, à la veille de législatives cruciales pour l'avenir d'un royaume englué dans un cycle de violences politiques.

Quelque 170 000 policiers seront déployés dimanche pour protéger les bureaux de vote où plus de 47 millions d'électeurs sont appelés aux urnes, un peu plus d'un an après la crise du printemps 2010 qui avait fait plus de 90 morts.

Le scrutin oppose avant tout le Parti démocrate du premier ministre Abhisit Vejjajiva et le parti d'opposition Puea Thai, de facto dirigé depuis son exil par l'ancien chef de gouvernement Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État militaire en 2006.

Un duel sous tension qui marque la ligne de fracture du pays entre les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui ont porté Abhisit au pouvoir fin 2008, et les masses rurales et urbaines défavorisées.

Les sondages donnaient à quelques jours du scrutin l'avantage au Puea Thai, dont la campagne est menée par la petite soeur du milliardaire, Yingluck Shinawatra.

Derniers gestes de campagne, les deux grands partis ont défilé samedi dans les rues de Bangkok avec leurs candidats haranguant les électeurs depuis les voitures.

Comme depuis plus d'un mois, les derniers meetings électoraux vendredi soir se sont concentrés sur un homme, Thaksin, personnage absent mais incontournable de la politique thaïlandaise.

L'ancien magnat des télécommunications, haï des élites qui voient en lui une menace pour la monarchie, vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. La moitié de sa fortune a été saisie et il est également poursuivi pour terrorisme pour son soutien aux manifestations du printemps 2010.

Jusqu'à 100 000 «chemises rouges», pour la plupart fidèles à Thaksin, avaient alors occupé le centre de Bangkok pour réclamer la démission d'Abhisit, avant d'être délogés par l'armée.

Les démocrates ont dénoncé la possibilité évoquée par le Puea Thai d'amnistier tous les hommes politiques condamnés, dont Thaksin.

«Tant que Thaksin pense, le Puea Thai exécute, pour trouver un moyen de rendre à Thaksin ses 46 millions de bahts (1,5 million de dollars) saisis», a dénoncé Abhisit devant ses partisans vendredi.

«Le pays ne peut pas avancer. Le Puea Thai fait tout pour une personne», a ajouté le premier ministre, qui avait déjà appelé les électeurs à se «débarrasser du poison Thaksin».

Yingluck, que son frère a lui-même décrite comme son «clone», a elle appelé la foule réunie dans un stade de Bangkok à voter pour la première femme à briguer le poste de premier ministre.

«S'il vous plaît, donnez une chance à cette femme de servir son pays (...) S'il vous plaît, donnez une chance à cette femme d'apporter la réconciliation dans ce pays».

Thaksin et ses alliés ont remporté toutes les élections depuis 2001. Mais ils ont été chassés du pouvoir par l'armée en 2006, puis à deux reprises par la justice, en 2008.

Si le Puea Thai remporte ces élections, certains doutent qu'il puisse prendre le pouvoir, et surtout le conserver. Dans un pays qui a connu 18 coups d'État ou tentatives depuis 1932, et où le chef de l'armée a appelé à voter pour les «bonnes personnes», les rumeurs de putsch sont persistantes.

La campagne s'arrête officiellement samedi à 18h (7h, heure de Montréal) et la police a mis en garde samedi contre une infraction à cette règle par l'intermédiaire de Facebook ou Twitter.

«Tout candidat ou même tout citoyen ordinaire qui inciterait d'autres personnes à voter pour quelqu'un risque six mois de prison ou une amende de 10 000 bahts (313$) ou les deux», a prévenu le porte-parole de la police.