À l'approche du 1er juillet, jour où la Chine célèbrera avec emphase les 90 ans du Parti communiste chinois (PCC), Chongqing se pose comme la plus «rouge» des villes de la République populaire.

Cette mégalopole bouillonnante, transformée par son influent secrétaire du Parti Bo Xilai, entend faire renaître l'idéal révolutionnaire 35 ans après la mort de Mao Zedong.

Le voyageur qui débarque à l'aéroport international est accueilli par un panneau géant l'invitant à «entonner les chants rouges» et à «propager les devises» communistes.

La campagne de propagande aux accents vintage inclut travaux aux champs, feuilletons patriotiques télévisés ou remises de peine promises aux prisonniers s'impliquant dans la «culture rouge».

L'ambitieux M. Bo rêve, selon la rumeur, d'intégrer en 2012 le comité permanent du Bureau politique du Parti. Certains affirment qu'en prônant les valeurs de désintéressement de la période maoïste, il sert avant tout sa carrière.

Selon d'autres comme Su Wei, professeur à l'École du parti de Chongqing, le «mouvement de la Nouvelle culture» s'inscrit dans le «développement de la civilisation matérielle et spirituelle» défendu par Deng Xiaoping.

Bo Xilai, explique M. Su, a été déçu en constatant que les chansons d'amour de Hong Kong et de Taïwan avaient grignoté la place des chants patriotiques. D'où sa volonté de promouvoir aujourd'hui 45 chants officiels.

«Ce ne sont pas seulement de vieilles chansons. Dix-huit ont été créées dans la période des réformes, vingt sous l'époque révolutionnaire et les autres datent des années 1949-1978».

Une traversée de Chongqing, municipalité de 33 millions d'habitants directement placée sous l'autorité de Pékin, permet de constater toutefois que la «culture» chère à Bo Xilai tient davantage du folklore que de l'influence profonde.

Une partie de la jeunesse, notamment, n'apparaît pas emballée. Luo Yang, un étudiant de 24 ans, confesse que dans son université les élèves sont moins actifs que les professeurs pour virer au rouge.

Il est cependant en mesure de citer quelques «tubes» remis à la mode: «Drapeau à cinq étoiles», «Moi et ma patrie» ou encore «L'Orient rouge».

Chez les habitants plus âgés, l'effet nostalgie fonctionne davantage. Chaque après-midi, certains poussent la chansonnette sur l'esplanade du Palais de l'Assemblée du peuple.

«La culture rouge c'est pas seulement chanter pour le Parti. C'est aussi l'esprit qui encourage les Chinois à défendre la cause révolutionnaire et à construire le pays», affirme Li Jianhua, un retraité visiblement maître en langue de bois.

On l'aura compris, pas la peine d'évoquer avec lui les dizaines de millions de morts du Grand Bond en avant ou de la Révolution culturelle.

La culture rouge imprime également son empreinte sur le monde ouvrier. À l'usine Qiutian, qui fabrique des roues crantées, les salariés sont incités à participer à la chorale hebdomadaire. Une fois inscrit, interdiction de sécher une séance.

Ce jour-là, quelques dizaines de travailleurs en bleu de travail s'époumonent sur un air martial. Une chef de choeur les guide sous l'oeil bienveillant de Bo Xilai, représenté sur un grand poster.

La chanson qu'ils répètent, «Suivre le parti communiste», comprend ce couplet: «Tu es un phare qui illumine la mer avant l'aube. Tu es un timonier qui contrôle la direction du bateau».

He Yonglin, vice-secrétaire de la section du parti de l'usine et accessoirement président du syndicat unique, loue ces exercices vocaux. «En chantant, les jeunes font des progrès idéologiques. Ils apprennent à se discipliner».

Il y a quelques jours Chongqing a dépêché un millier de choristes à Pékin pour des spectacles patriotiques. Ceux-ci déclinent toute l'iconographie révolutionnaire: faucilles et marteaux, étoiles rouges, casquettes plates, uniformes kakis à collet droit orné de patchs rouges, fusils Hanyang 88.