La justice thaïlandaise a rejeté jeudi des poursuites contre le Parti démocrate (PD) au pouvoir, dans un dossier qui le menaçait de dissolution pour la seconde fois en une dizaine de jours et aurait pu obliger le premier ministre à démissionner.

Abhisit Vejjajiva, au pouvoir depuis deux ans, peut désormais en théorie conserver le pouvoir jusqu'aux prochaines élections, d'ici fin 2011.

Les juges de la Cour constitutionnelle ont en effet estimé que la procédure contre le PD avait été irrégulière et qu'ils ne pouvaient se prononcer sur le fond, une donation illégale de 258 millions de bahts (8,7 millions $) en 2005.

Le 29 novembre, Abhisit avait déjà gagné une première bataille juridique majeure, lorsque la Cour avait rejeté un autre dossier, cette fois au terme des débats, dans lequel son parti se voyait reprocher l'utilisation frauduleuse de 29 millions de bahts (960 000 $) la même année.

Le chef du gouvernement risquait alors jusqu'à cinq ans d'exclusion de la vie politique, tout comme plusieurs autres cadres de la majorité. Mais son parti, le plus ancien du royaume, n'est désormais menacé d'aucune plainte.

«Ca dégage clairement le terrain jusqu'aux élections pour la coalition dirigée par les démocrates», relève Thitinan Pongsudhirak, politologue de l'université Chulalongkorn de Bangkok.

Ces deux décisions successives ne sont pas surprenantes: plusieurs analystes avaient admis douter de la capacité des juges à dissoudre le PD, qui a le soutien de l'armée et des élites de Bangkok, gravitant autour du palais royal.

Mais elles ne manqueront pas d'exaspérer l'opposition dans un pays où l'atmosphère s'est considérablement crispée depuis la crise du printemps, la plus violente qu'ait connue la Thaïlande moderne, qui a fait plus de 90 morts et 1900 blessés.

Les «chemises rouges», manifestants antigouvernementaux représentant les populations rurales et urbaines défavorisées du pays, avaient bloqué de mars à mai la capitale dans l'espoir d'obtenir la chute d'Abhisit.

Parmi leurs griefs figurent notamment la collusion présumée entre le pouvoir, l'armée, les grands intérêts économiques et les hauts magistrats.

«Dans les deux dossiers, les démocrates ont semblé intouchables et je pense que cela va demeurer dans l'opinion de beaucoup en Thaïlande», a ajouté Thitinan.

Les Thaïlandais «seront en colère et (ce verdict) confirme la justice à deux vitesses» de ce pays, a renchérit pour sa part Thida Thavornseth, épouse d'un ex-leader des «rouges» actuellement détenu, et qui a été récemment désignée présidente du mouvement.

En octobre, Abhisit avait dû défendre son parti contre des accusations de l'opposition selon lesquelles un membre du PD aurait tenté d'influencer la cour en rencontrant l'assistant d'un des magistrats.

Une nouvelle fois, l'appareil judiciaire apparaît en tout cas comme un acteur-clé des joutes politiciennes thaïlandaises.

Abhisit et le PD sont eux-mêmes arrivés au pouvoir fin 2008 après des verdicts qui avaient évincé des alliés de Thaksin Shinawatra, ex-premier ministre aujourd'hui en exil, et idole d'une partie des «rouges».

Thaksin, renversé par un coup d'État militaire en 2006, a par la suite été condamné à deux ans de prison pour malversations financières et fait l'objet de poursuites pour «terrorisme» pour son soutien financier présumé aux «rouges».

Quant à la quasi-totalité des leaders du mouvement, ils sont détenus, inculpés de terrorisme, et donc de facto écartés de toute activité politique.