Des Cambodgiens hagards tentaient mardi d'identifier leurs proches dans des morgues érigées à la hâte à Phnom Penh, au lendemain de la mort de près de 380 personnes dans une gigantesque bousculade, au terme d'un festival traditionnel.

De brusques mouvements de foule ont piégé des centaines de personnes sur un pont qui relie la capitale à l'île aux Diamants, sur le fleuve Mékong, où se tenaient les festivités de la très populaire Fête de l'eau.

Selon un porte-parole du gouvernement, Phay Siphan, 378 personnes ont été tuées et 755 blessées, dont une majorité de femmes. Aucune victime étrangère n'a été pour l'instant identifiée, mais le bilan était encore provisoire.

Les causes de la catastrophe n'étaient pas encore clairement identifiées mais une rumeur s'est semble-t-il propagée selon laquelle le pont n'était pas stable. «Alors la panique a commencé. Il y avait trop de monde et ils n'avaient nulle part où aller», a indiqué Khieu Kanharith, un autre porte-parole.

Le premier ministre Hun Sen a évoqué «la plus grande tragédie depuis le régime (des Khmers rouges) de Pol Pot», qui avait fait environ deux millions de morts, soit un quart de la population, entre 1975 et 1979. Il a annoncé une journée de deuil national jeudi.

La télévision a diffusé des images cauchemardesques de personnes entassées les unes sur les autres, certaines encore vivantes et se débattant pour se dégager, d'autres inanimées.

«Nous étions en train de traverser le pont vers l'île aux Diamants lorsque les gens ont commencé à pousser de l'autre côté. Il y avait beaucoup de cris et de panique», a raconté à l'AFP Kruon Hay, 23 ans.

«Les gens ont commencé à courir et ils tombaient les uns sur les autres. Je suis tombé moi aussi. Je n'ai survécu que parce que d'autres gens m'ont relevé. Beaucoup de gens ont sauté dans l'eau», a-t-il dit.

Des témoins ont affirmé que des victimes s'étaient agrippées à des fils électriques. Mais un médecin a écarté l'hypothèse de l'électrocution. «Il semble qu'elles aient manqué d'oxygène», a-t-il indiqué sous couvert de l'anonymat.

Le pont, dont la police a interdit l'accès mardi, était toujours jonché de tongs, vêtements, bouteilles d'eau abandonnés dans la panique.

«Maintenant, nous devons identifier les corps», a ajouté Khieu Kanharith, en précisant que des recherches d'éventuels noyés seraient effectuées autour du pont.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant l'hôpital Calmette de la capitale pour tenter de retrouver ou d'identifier leurs proches. Une tente blanche montée sur le parking abritait des rangées de corps dont les policiers prenaient empreintes et clichés.

Environ 60% des corps entreposés là ont été identifiés, selon un responsable des secours. Sept autres établissements de la ville ont dû accueillir des cadavres.

Des camions militaires commençaient par ailleurs à ramener dans leurs villages les dépouilles des victimes venues de province pour participer à la fête, pendant que des badauds allumaient des bâtons d'encens pour écarter les mauvais esprits et bénir l'âme des morts.

Des Cambodgiens se pressaient autour des morgues, passant frénétiquement des appels téléphoniques en décrivant les vêtements des victimes, dont les visages découverts laissaient souvent apparaître des ecchymoses.

Une femme a pu reconnaître sa nièce de 16 ans. «J'ai entendu dire qu'elle avait été tuée cette nuit. Je suis venue ici et j'ai vu son corps», a raconté Som Khov.

Des millions de Cambodgiens s'étaient retrouvés pendant trois jours pour assister aux courses de bateaux, concerts et feux d'artifice.

La Fête de l'eau, le plus grand festival traditionnel du pays, est organisée pour remercier le Mékong de nourrir les sols fertiles du pays et de fournir un poisson abondant. Rituellement fixée à la pleine lune de novembre, elle marque la fin des crues et la spectaculaire inversion du courant du fleuve Tonle Sap.