Des combats à l'arme lourde ont éclaté lundi, au lendemain des élections, entre rebelles karen et armée dans l'est de la Birmanie, illustration des tensions entre la junte et les minorités ethniques qui font craindre une reprise de la guerre civile dans les confins du pays.

La ville de Myawaddy, située à la frontière avec la Thaïlande en État karen, «a été attaquée» en début de matinée avec des «armes lourdes», a indiqué une source officielle birmane à l'AFP.

Trois civils ont été tués et 11 blessés dans la ville, selon une autre source birmane.

Une roquette RPG a touché la ville de Mae Sot, en Thaïlande, faisant plusieurs autres blessés, a expliqué pour sa part un cadre militaire thaïlandais.

Les populations installées le long de la rivière côté thaïlandais ont été évacuées et environ 7000 Birmans ont franchi la frontière pour fuir les combats, selon un autre responsable thaïlandais qui a précisé que les combats étaient «terminés» en début d'après-midi.

Plus de 100 000 Birmans, en majorité des Karens, vivent déjà dans des camps de réfugiés en Thaïlande.

Zipporah Sein, secrétaire générale de l'Union nationale karen (KNU), a précisé que ces accrochages avaient eu lieu entre quelque 300 soldats de l'Armée bouddhiste démocratique karen (DKBA) et l'armée birmane.

La tension était montée d'un cran dimanche lorsque ces rebelles avaient manifesté arme au poing contre les premières élections depuis 20 ans, un scrutin dont des millions de membres de minorités ethniques ont été exclus, officiellement pour des raisons de sécurité.

Ces rebelles refusent aussi le projet du régime de forcer les groupes armés signataires d'un cessez-le-feu avec elle à rejoindre les forces qui assurent la sécurité des frontières, ce qui les placeraient de facto sous contrôle de l'État.

Et si ces combats ne concernent qu'une petite partie des rebelles karen, ils pourraient faire tâche d'huile dans un contexte de grande tension.

La secrétaire générale de la KNU, notant que la junte avait envoyé plus de troupes, a ainsi indiqué que 500 autres soldats de la DKBA et 900 soldats de son organisation étaient prêts à y prendre part.

Et la semaine dernière, Democratic Voice of Burma, média birman en exil, avait annoncé l'alliance de six groupes rebelles des États karen, kachin et shan, dont la DKBA.

«S'ils sont vraiment engagés à faire ce qu'ils ont dit, une véritable alliance militaire avec une philosophie disant que l'attaque contre l'un est une attaque contre tous, alors nous verrons une guerre civile», a estimé Maung Zarni, analyste à la London School of economics.

De nombreuses minorités ethniques, qui représentent au moins un tiers des 50 millions d'habitants de la Birmanie, n'ont jamais pacifié leurs rapports avec le pouvoir central depuis l'indépendance en 1948.

Une situation d'autant plus complexe que la majorité birmane reste marquée par une conception en partie raciale de la Nation.

À l'indépendance, une guerre civile a débuté entre capitale et groupes rebelles, qui réclament plus d'autonomie et de droits.

En 2009, l'armée avait repris l'offensive contre les Karens puis contre les Kokangs, groupe sinisant du nord-est reculé du pays.

Les analystes avaient alors accusé la junte de vouloir en finir par la force avec les dernières poches de résistance. Des accusations qui, à l'approche des élections, sont redevenues d'actualité.