La justice thaïlandaise a fait un pas de plus mardi vers l'extradition aux États-Unis du trafiquant d'armes russe présumé Viktor Bout, surnommé le «marchand de mort», en abandonnant des poursuites qui menaçaient de la retarder pendant des mois.

Ce dossier, qui oblige Bangkok à jongler entre Washington et Moscou, erre depuis deux ans dans les arcanes de la procédure thaïlandaise, mais semble avoir sensiblement progressé en faveur de la requête américaine, sans qu'aucun délai ne soit pour autant prévisible.

La justice du pays asiatique a accepté en août que le Russe soit extradé en vertu de poursuites pour «terrorisme» aux États-Unis. Mais la procédure était bloquée par un second dossier, ouvert pour «blanchiment» et «fraude» par Washington en début d'année, de peur que le premier échoue.

La cour criminelle de Bangkok a estimé mardi que ce second dossier ne présentait «pas assez de preuves» et a prononcé un non-lieu. Sa décision n'est pas susceptible d'appel.

Sauf rebondissement judiciaire de dernière minute, Bout, qui aurait inspiré le personnage incarné par Nicolas Cage dans le film «Lord of war», serait donc désormais extradable. Mais son avocat a semé le doute en assurant qu'il disposait encore d'options juridiques pour contester le transfert à Washington de son client.

Les États-Unis ont aussitôt souhaité une extradition «rapide» de Viktor Bout. «Nous espérons son extradition rapide aux États-Unis», a déclaré le porte-parole du département d'État, Philip Crowley, évoquant «une période obligatoire d'attente», dont il n'a pas précisé la durée, avant une décision définitive.

L'ancien pilote de l'armée soviétique avait été arrêté à Bangkok en mars 2008 après avoir rencontré des agents américains qui s'étaient fait passer pour des responsables de la guérilla colombienne des Farc.

Il risque la perpétuité aux États-Unis.

Il est accusé d'avoir utilisé une flotte d'avions cargos pour transporter des armes en Afrique, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient, mais affirme avoir développé une activité de transport cargo parfaitement légale.

Après le verdict, Viktor Bout a embrassé son épouse, en larmes, avant de quitter la salle d'audience.

Bangkok est plus que jamais tiraillée entre Washington, allié aussi essentiel qu'historique, et Moscou, partenaire commercial et stratégique de premier plan.

Les Américains exigent de juger eux-mêmes celui qu'ils décrivent comme «l'un des trafiquants d'armes les plus prolifiques du monde», quand les Russes réaffirment régulièrement leur détermination à «faire tout le nécessaire pour qu'il rentre au pays».

Alla Bout, sa femme a accusé le premier ministre thaïlandais de céder aux pressions américaines. Abhisit Vejjajiva «doit avoir vraiment peur d'intervenir dans ce dossier car les États-Unis ont une très forte présence ici et sa propre situation politique est loin d'être stable», a-t-elle affirmé aux journalistes. «Ils veulent organiser un procès spectacle et tout lui mettre sur le dos».

Récemment en voyage à New-York, le chef du gouvernement avait suggéré que les États-Unis discutent «directement avec la Russie» de cette affaire.

En décembre dernier, Bangkok avait arrêté quatre Kazakhs et un Bélarusse en transit dans la capitale alors qu'ils convoyaient un avion cargo en provenance de Corée du Nord et chargé de 35 tonnes d'armes de guerre, en violation de l'embargo des Nations unies. L'issue avait été plus expéditive. En février, les cinq hommes avaient été expulsés sans procès.