La junte militaire au pouvoir en Birmanie, qui a promis d'organiser en 2010 ses premières élections législatives depuis vingt ans, a promulgué lundi les lois organisant le scrutin mais n'en a pas encore annoncé la date.

Les médias gouvernementaux ont indiqué que cinq textes avaient été publiés, mais ils n'ont donné aucune information sur leur contenu qui devrait être précisé à partir de mardi.

«Les lois ont été promulguées par le Conseil d'État pour la Paix et le Développement (SPDC, nom officiel de la junte) et le détail des textes sera publié dans les journaux de demain (mardi) ainsi que dans un livre», ont indiqué la radio et la télévision publiques.

Le scrutin fait partie de la «feuille de route» pour l'édification d'une «démocratie disciplinée», présentée par les militaires en 2003.

Il renvoie les Birmans aux urnes pour la première fois depuis 1990, lorsque la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi avait triomphé, sans pour autant être autorisée à exercer le pouvoir.

L'opposante a depuis passé plus de 14 ans privée de liberté. Son assignation à résidence jusqu'en novembre prochain a été récemment confirmée par la cour suprême de Rangoun.

Il y a quelques semaines, la dissidente avait jugé prématuré de se prononcer sur une participation ou non de son parti au scrutin. Elle devrait se prononcer après lecture de l'ensemble des textes.

«Cela ne peut pas être juste d'annoncer aujourd'hui des élections en 2010. Il n'y a pas assez de temps. Les partis ne sont pas prêts, ils ne peuvent ni faire de lobbying, ni faire campagne», a commenté Nyan Win, porte-parole de la LND.

Les pays occidentaux ont maintes fois répété que ces élections ne pourraient être considérées comme justes et libres que si la prix Nobel de la paix était libérée.

La dernière et très controversée constitution birmane, approuvée en 2008 juste après le passage du dévastateur cyclone Nargis (138 000 morts ou disparus) l'exclut de toutes façons de cette élection et réserve d'office un quart des sièges aux militaires.

Beaucoup d'analystes estiment que l'ensemble du processus n'a pour objectif que de légitimer le pouvoir de la junte. Mais certains soulignent que les réformes sur le fonctionnement du pouvoir n'en seront pas moins substantielles.

«Je vois les élections elles-mêmes comme complètement fermées et truquées», a indiqué à l'AFP Sean Turnell, expert de la Birmanie à l'université Macquarie de Sydney en Australie.

«Mais nous sommes dans une période intéressante parce qu'il y a beaucoup plus d'incertitudes que prévu. Il semble qu'il y ait des gens qui intriguent pour se placer».

Les élections, en principe, devraient conduire à un changement formel de la haute hiérarchie, notamment avec la création d'un poste de président, même si le généralissime Than Shwe, homme fort de la junte âgé de 76 ans, est décrit par beaucoup comme incapable d'abandonner le contrôle du pouvoir.

La junte a multiplié les signaux contradictoires ces derniers mois, après la décision de Washington l'an passé, puis de l'Union européenne, d'adjoindre un dialogue aux sanctions économiques contre le régime de Naypyidaw.

Plusieurs dissidents ont été condamnés à de lourdes peines de prison ferme et un envoyé spécial des Nations unies s'est vu récemment refuser l'accès à Aung San Suu Kyi.

Celle-ci a pu cependant reprendre un rôle politique, rencontrant notamment des membres de la LND, des diplomates étrangers ainsi que l'officier de liaison de la junte. Elle a même demandé par courrier à s'entretenir avec Than Shwe, requête pour l'heure demeurée sans réponse.