La mort d'une centaine de mineurs dans une houillère a relancé lundi le débat sur le coût humain très élevé de la voracité de la Chine en énergie, en dépit des efforts consentis ces dernières années pour améliorer la sécurité.

Au moins 104 mineurs sont morts samedi après un coup de grisou dans une immense mine du nord-est exploitée depuis plus de 90 ans, nouvelle catastrophe pour une industrie minière parmi les plus dangereuses au monde.

«Le développement (...) ne peut se faire au prix du sang et de la vie des employés», s'est révolté le gouverneur de la province sinistrée du Heilongjiang, Li Zhanshu, s'insurgeant contre l'idée «d'un Produit intérieur brut entaché de sang».

Source d'énergie bon marché dont regorge son sous-sol, le charbon est indispensable pour nourrir la phénoménale croissance de la Chine et assure 70% de ses besoins en énergie.

Mais les effondrements de galeries, inondations ou coups de grisou sont très fréquents, surtout dans les mines privées, celles qui ferment souvent les yeux sur la sécurité, à la recherche de profits rapides.

Beaucoup de propriétaires de mines préfèrent payer des amendes plutôt que d'investir dans la sécurité, comme le soulignait lundi le quotidien Global Times, et s'appuient sur une armée de «minggong», ces travailleurs migrants qui risquent leur vie pour gagner en un mois le salaire d'un paysan en un an.

Ces dernières années, dans l'espoir de diminuer le nombre d'accidents, le gouvernement a fait fermer quelque 12.000 petites mines privées, selon des chiffres officiels, alors que les critiques enflaient avec l'annonce, chaque semaine, d'une nouvelle catastrophe minière.

En conséquence, la mortalité a un peu baissé, en tout cas si l'on en croit les chiffres officiels, qui font état de 3.800 morts en 2007, puis de 3.200 l'an dernier.

Mais selon diverses ONG, de nombreux accidents du travail et décès sont dissimulés par les gérants de mines qui veulent éviter des amendes, des poursuites judiciaires ou tout simplement la fermeture.

La mine sinistrée samedi de Hegang est une mine d'État, mais les premiers résultats de l'enquête font apparaître un «manque de responsabilité», a déclaré un responsable lundi.

Même si les dirigeants de la mine ont été démis de leurs fonctions dès le week-end et si les autorités ont promis des poursuites contre toute personne coupable de négligence, la Chine n'est pas prête d'en finir avec les accidents miniers.

Cette catastrophe «montre que ni les nationalisations, ni les restructurations de l'industrie minière ne sont la réponse à la sécurité dans les puits en Chine», estime Geoffrey Crothall, porte-parole du China Labour Bulletin de Hong Kong.

«Même dans les mines d'État, les directeurs sont plus intéressés pas les profits que par les gens. Ils veulent atteindre ou dépasser leurs quotas de production, pas seulement parce que c'est bon pour leur image, mais aussi parce que cela leur rapporte plein d'argent», explique-t-il.

Selon des chiffres officiels, le production de charbon chinoise a presque doublé de 2000 à 2007, année où 2,52 milliards de tonnes ont été produites. Et alors que les besoins d'énergie de la troisième puissance économique mondiale ne font que croître, quelque 3,3 milliards pourraient être produits d'ici à 2015.

«Ces dernières années, dans notre province, le nombre d'accidents, de tués et de blessés a baissé», a dit le gouverneur Li.

«Mais la catastrophe (de samedi) a renversé la situation (...) les leçons que nous devons en tirer sont tragiques et elle a totalement mis en lumière nos défaillances».