Les «chemises rouges» et «chemises jaunes», qui s'affrontent depuis des années dans la rue et sur l'échiquier politique thaïlandais, se sont livré une bataille à distance samedi avec des manifestations croisées à Bangkok et à la frontière cambodgienne. .

Selon la police, les «rouges», favorables à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, étaient 26 000 dans le centre de la capitale pour commémorer le 3e anniversaire du coup d'Etat contre leur leader aujourd'hui en exil, et réclamer le départ du Premier ministre, Abhisit Vejjajiva.

Quelque 5000 «jaunes» ont tenté quant à eux d'accéder au temple de Preah Vihear (nord-est), dans une zone disputée par la Thaïlande et le Cambodge, où les dernières tensions en avril avaient fait au moins deux morts et dix blessés entre soldats des deux pays.

Des dizaines de personnes ont été blessées au cours de ce second rassemblement dont au moins 20 hospitalisées, après des affrontements entre villageois et membres de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD, royalistes), à quelques kilomètres du site.

Les autorités voulaient empêcher les «jaunes» d'accéder à ce temple du XIe siècle de peur de relancer avec Phnom Penh des tensions qui ont éclaté en juillet 2008, lorsqu'il avait été inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.

A la nuit tombée, un accord a pu mettre fin à la manifestation, selon lequel 30 manifestants liraient dimanche une déclaration à proximité du temple.

Le coup d'Etat du 19 septembre 2006 a plongé la Thaïlande dans une crise politique sans fond, chaque camp tentant depuis de renverser dans la rue le gouvernement issu de la coalition adverse.

Le Premier ministre a fait appel à environ 9.000 soldats et policiers pour protéger les bâtiments-clés du pouvoir.

Une manifestation des «rouges» avait dégénéré en avril dernier, provoquant la mort de deux personnes. Cette fois, ils avaient promis un rassemblement pacifique.

Dans une intervention par vidéo-conférence, Thaksin lui même a une nouvelle fois appelé à la «réconciliation nationale», demandant aux forces politiques «de se tourner les unes vers les autres» pour éviter que le pays, en grandes difficultés sur le plan économique, ne sombre dans l'échec.

«Aujourd'hui, je tue le temps en attendant que les chemises rouges me fassent rentrer à la maison», a-t-il ajouté en réclamant des élections.

Le gouvernement avait auparavant exprimé des craintes que les deux rassemblements dérapent, évoquant le risque posé par des groupuscules non identifiés, notamment pendant la nuit.

«J'ai demandé aux responsables de (...) contrôler étroitement les mouvements de ces groupes. Je suis inquiet pour ce soir et j'ai prévenu les agences de renseignement», avait déclaré le Premier ministre, évoquant aussi des risques d'attentats organisés par une tierce partie dans la capitale.

Abhisit doit quitter le pays dimanche pour assister à l'Assemblée générale des Nations unies, une situation qui rappelle celle de Thaksin en 2006, renversé par un coup d'Etat militaire alors qu'il était précisément à l'ONU.

Le puissant chef de l'armée de terre, Anupong Paojinda, a dû démentir vendredi les rumeurs de coup d'Etat contre l'actuel chef du gouvernement.

Ce dernier a vu sa position politique très affaiblie depuis plusieurs semaines par une controverse au sein de son propre camp sur la nomination d'un nouveau chef de la police. La décision a finalement été reportée sine die.